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les médias sous gorbatchev

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L'édition de livres<br />

Et finalement, en littérature, le succčs le plus spectaculaire de la perestroka. De<br />

quoi s’agit-il au juste ? Nous nous réjouissons évidemment en apprenant la publication<br />

ŕ grands tirages de livres autrefois interdits, surtout que leurs auteurs <strong>les</strong> avaient<br />

destinés ŕ leurs compatriotes. Mais il n’est pas permis d’oublier qu’ils sont bien connus<br />

en Occident dans des éditions en langues diverses et que ces versions ont leur<br />

propre destin. J’estime donc que leur publication aujourd’hui, 20, 30, 50 ou 70 ans<br />

aprčs leur création, ne facilite pas du tout leur assimilation ; assez souvent, ces oeuvres<br />

nous paraissent un peu déplacées ; en tout cas, el<strong>les</strong> ne peuvent pas s’adapter au<br />

contexte littéraire actuel auquel el<strong>les</strong> sont étrangčres. Les affirmations purement<br />

rhétoriques sur l’unité de la culture russe chez nous et ŕ l’étranger sont absurdes :<br />

Platonov et Trifonov, Koltsov et Mandelstam, Akhmatova et Siniavski, Vonovitch<br />

et Zamiatine, Pasternak et Rybakov... Tous ces livres sont broyés ensemble pour<br />

donner un hachis homogčne édité ŕ forts tirages. La glasnost transforme la littérature<br />

en quelque chose d’incohérent : est-il possible de publier Le Requiem d’Anna<br />

Akhmatova dans le seul et mme numéro d’Oktiabr que <strong>les</strong> calomnies proférées par<br />

Yakovlev N. ? Et pourtant vous pouvez <strong>les</strong> trouver <strong>sous</strong> la mme couverture. C’est<br />

une tentative honteuse d’insérer dans la littérature soviétique <strong>les</strong> chefs-d’oeuvre de<br />

la littérature russe du XXe sičcle en mme temps que <strong>les</strong> vies tragiques de leurs<br />

auteurs, c’est une interprétation forcée de ces oeuvres comme une composante de la<br />

culture officielle. Les livres qui hier encore étaient persécutés sont maintenant<br />

déversés sur le marché de la perestroka et paradoxalement deviennent une<br />

marchandise qui se vend au rabais, des objets de musée qui n’influencent plus <strong>les</strong><br />

esprits.<br />

Dans cette optique, comme d’ailleurs sur tous <strong>les</strong> autres plans, c’est le phénomčne<br />

de .i. qui reste le plus intéressant. Sans aucun doute, vous pouvez constater ici <strong>les</strong><br />

mmes tentatives de «broyer» ses oeuvres et notamment l’Archipel du GOULAG en<br />

l’interprétant comme une «étude historique», une reconstitution d’événements<br />

révolus et le fait mme de sa publication comme une réalisation de la nouvelle mentalité.<br />

L’Archipel du GOULAG sert également ŕ dérober aux regards <strong>les</strong> asi<strong>les</strong> de fous<br />

encore existants, <strong>les</strong> «zones de détention», l’existence des «prisonniers de conscience»<br />

non réhabilités, le maintien des artic<strong>les</strong> 64 et 70 du Code pénal, la bonne<br />

santé des organes répressifs et leurs mains prétendument propres. Mais l’Archipel est<br />

un ouvrage trop encombrant pour qu’on le commercialise sur le marché en escomptant<br />

des bénéfices politiques éventuels pour le régime : c’est notre destin commun,<br />

c’est un verdict sur le totalitarisme.<br />

Thomas Mann qui dans l’aprčs-guerre s’était établi en Californie a écrit ŕ l’un de ses<br />

correspondants en Allemagne (qui l’invitait ŕ prendre part ŕ la «réorganisation» dans<br />

son pays d’origine) qu’il se heurtait tout le temps ŕ la mme pensée et qu’il était<br />

incapable de comprendre comment il était possible que des musiciens brillants<br />

interprčtent ŕ cette époque des oeuvres de Wagner dans <strong>les</strong> sal<strong>les</strong> de concert de<br />

Berlin et qu’ils rassemblent des mélomanes venus <strong>les</strong> écouter. Moi aussi, je me surprends<br />

tout le temps ŕ constater que <strong>les</strong> livres qui ont paru en URSS ces derničres<br />

décennies, indépendamment du talent de leurs auteurs, ont en commun leur fausseté.<br />

Ils débitent des mensonges ou sont pleins d’allusions trčs fines, mais ils ne dis-<br />

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