les médias sous gorbatchev

436 L'opinion publique en URSS
– Les sociologues sont-ils en mesure de pronostiquer des conflits sociaux ?
– Nous effectuons des études réguličres dans les zones les plus « tendues ». La
principale contradiction de nos jours se trouve entre les attentes de la population
et les changements réels dans l’économie. La société se montre de plus en plus
radicale et gauchiste. Derničrement» nous avons posé la question suivante ŕ des
Soviétiques : «Quelle a été la plus grande perte de l’année derničre ?» Parmi les
réponses : «La foi dans le socialisme, le bien-tre matériel, le prestige international...»
Plus d’un tiers des personnes interrogées ont parlé de la perte de patience
chez le peuple. La population se montre plus impatiente, et mécontente des demimesures.
A preuve, les victoires des radicaux aux élections municipales de Moscou
et de Leningrad, l’élection de Boris Eltsine. Le louvoiement entre la gauche et la
droite a fait son temps.
– Pourtant, chacun conçoit les transformations ŕ sa façon.. Est-on prt ŕ accepter le
marché, ne serait-ce que psychologiquement ?
– Plutôt non. Moins de la moitié des Soviétiques ont peur du capital privé et de l’exploitation,
qui étaient autrefois des épouvantails. Pourtant, les gens craignent la
hausse des prix et le chômage. Donc, on est tous pour le marché mais pour un
marché sur lequel les prix restent les mmes et oů les emplois sont garantis. 90 % des
Soviétiques estiment préférable d’avoir un salaire faible mais garanti plutôt que de
posséder ŕ une entreprise privée, menacée de faillite.
On voit s’approfondir les tendances au nivellement. Les gens sont trčs irrités des
privilčges des autres. Par exemple, quand nous avons voulu connatre leur attitude ŕ
l’égard de l’occupation illégale de villas de fonction appartenant ŕ des responsables
haut placés, 42 % des personnes interrogées ont dit approuver absolument de telles
actions ; 43 % ont dit ne pas approuver une telle pratique en faisant toutefois remarquer
qu’ils considéraient cela comme la seule solution possible. Seulement 7 % des
personnes interrogées ont répondu qu’ŕ leur avis c’était une violation de la loi et un
mauvaise exemple pour les autres. Donc, la majorité absolue des Soviétiques ne
reconnaissent pas une telle occupation comme illégale. C’est lŕ une tendance préoccupante.
– Et vous, personnellement, comment réagissez-vous aux privilčges des autres ?
– Je crois que le principal privilčge qu’il faut liquider avant tout, ce ne sont pas les
villas ou les voitures de fonction, mais le privilčge du pouvoir.
– Une derničre question. On entend de plus en plus souvent aujourd’hui des
appels de ce genre : «Arrtez de parler ; mettez-vous plutôt au travail !» Qu’en
dites-vous ?
– Tout dépend de ce qu’on entend par le mot «travail». Si ce travail vise ŕ créer une
vie nouvelle et des rapports économiques nouveaux, c’est une chose, mais si l’on
nous appelle, comme au mauvais vieux temps, ŕ «travailler d’arrache-pied chacun ŕ
son poste de travail», c’en est une autre. »