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les médias sous gorbatchev

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66 Les journalistes au service de la Perestroika<br />

On créait l’illusion d’une profonde signification en résumant dans l’usuelle langue<br />

de bois <strong>les</strong> derničres résolutions du CC. Apprendre ŕ écrire <strong>les</strong> éditoriaux n’était pas<br />

difficile. Je suis venu ŕ la rédaction aprčs la mort d’un collaborateur dont on se<br />

raconte des légendes jusqu’ŕ ce jour. Il écrivait un éditorial en deux heures. Mais<br />

seulement, disaiton, aprčs avoir absorbé une bonne dose de vin ŕ bon marché. Il a<br />

mal fini. On l’a trouvé mort prčs d’une bouteille de vin ouverte, devant une table sur<br />

laquelle se trouvait un éditorial inachevé.<br />

Mais pour moi ce genre était difficile. Mon premier éditorial, dans lequel j’avais<br />

essayé d’insuffler quelques idées, m’a été retourné avec de multip<strong>les</strong> notes dans <strong>les</strong><br />

marges. Je l’ai corrigé compte tenu des remarques. On me l’a retourné de nouveau.<br />

Voyant mes tourments, un de mes amis a lu ce que j’avais écrit et a éclaté de rire :<br />

– Mon vieux, a-t-il dit, on n’a pas besoin de tes lumičres. Il y a un «stéréotype».<br />

L’éditorial de la Pravda compte onze paragraphes, quoique, naturellement, des<br />

exceptions soient possib<strong>les</strong>. Le premier est une introduction au thčme ; dans le<br />

deuxičme on cite obligatoirement le chef. Autrefois, on citait Staline. On dit qu’il a<br />

lui-mme ordonné de citer ses aphorismes dans le deuxičme paragraphe.<br />

Aujourd’hui, il faut citer Brejnev. Un paragraphe, l’avant-dernier de préférence,<br />

doit tre consacré au rôle des organisations du parti.<br />

Aprčs avoir entendu le conseil de cet ami, j’ai rejoint <strong>les</strong> rangs des auteurs d’éditoriaux.<br />

Aujourd’hui, tout cela fait frémir d’effroi. Mais tout récemment encore, au<br />

commencement de ce que nous appelons la « perestroka », dčs que la Pravda a<br />

cessé de publier des éditoriaux, il y a eu des appŕratchiks haut placés, <strong>les</strong> secrétaires<br />

des comités régionaux du parti qui ont commencé ŕ se plaindre avec nostalgie, aux<br />

sessions pléničres du CC, qu’il leur était devenu difficile de travailler sans éditoriaux<br />

directeurs. Et on a repris leur publication pendant un certain temps. Je n’écrivais<br />

presque rien d’aprčs ma propre expérience. Dans leur majorité, mes artic<strong>les</strong> étaient<br />

consacrés ŕ tel ou tel problčme : ils étaient critiques, mme trčs critiques. Il est vrai<br />

que je ne touchais pas aux racines des vices, car mettre en doute la justesse de la doctrine<br />

marxiste ou faire l’apologie de la propriété privée aurait été une folie. Ce n’est<br />

qu’aujourd’hui qu’il est devenu évident que le fait que <strong>les</strong> usines, <strong>les</strong> champs et <strong>les</strong><br />

fermes n’appartiennent ŕ personne avait précipité le pays dans le chaos économique.<br />

Mais il y a cinq ou dix ans, nous cherchions des coupab<strong>les</strong> individuels, ceux qui<br />

n’avaient «pas pu mobiliser, organiser <strong>les</strong> collectifs de travailleurs afin de réaliser des<br />

exploits.<br />

On pouvait critiquer pour de menus péchés n’importe quel dirigeant - ou peu s’en<br />

faut. Dans <strong>les</strong> conditions du systčme totalitaire faire une telle critique n’était rien<br />

d’autre que jouer ŕ la démocratie. Pour <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> critiques sérieux il fallait une autorisation<br />

du CC. En 1983, par exemple, on m’en a donné une pour démolir le comité du<br />

parti de la région de Vo-ronej. J’ignore qui a donné cette instruction, mais le directeur<br />

de ma section s’est rendu avec <strong>les</strong> épreuves chez un haut fonctionnaire du CC et celuici<br />

a mme demandé qu’on accentue par endroits le ton critique. L’attaque était<br />

foudroyante selon <strong>les</strong> critčres de l’époque et juste ŕ bien des égards selon ceux d’aujourd’hui.<br />

Mais je ne peux pas maintenant partager <strong>les</strong> conclusions de cet article inti-

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