Inégalités et discriminations - Le Monde
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dresser annuellement un « rapport de situation » ou un bilan chiffré des progrès<br />
réalisés pour garantir l’égalité de traitement. Dans le cas des <strong>discriminations</strong> <strong>et</strong>hnoraciales,<br />
la directive 2000/43/CE relative à l'égalité de traitement sans distinction de<br />
race ou d'origine <strong>et</strong>hnique autorise les États-membres à m<strong>et</strong>tre en place de tels<br />
bilans , sans toutefois les y contraindre, à la demande, notamment, de la France, qui<br />
ne disposait pas des statistiques nécessaires. On sait la raison de c<strong>et</strong>te réticence. <strong>Le</strong>s<br />
données <strong>et</strong>hno-raciales sont ultrasensibles au regard des normes républicaines en<br />
vigueur en France ; il n’est possible d’y recourir qu’à titre dérogatoire <strong>et</strong> dans des<br />
conditions strictement encadrées, si bien que l’usage de l’outil statistique dans ce<br />
domaine précis reste âprement discuté : est-ce un instrument indispensable, superflu ou<br />
dangereux ?<br />
Un signe de l’extrême sensibilité du suj<strong>et</strong> est la place occupée dans le débat par<br />
les questions de sémantique, source de grande confusion. Qu’entend-on par<br />
« origines » en général, par « <strong>et</strong>hniques » <strong>et</strong> par « raciales » ?<br />
<strong>Le</strong>s « origines » : un terme générique centré sur les origines étrangères, sur fond<br />
dorigines sociales<br />
Commençons par le plus simple. <strong>Le</strong>s six motifs de discrimination sur dix-huit qui<br />
intéressent le COMEDD (origine, apparence physique, patronymes, appartenance à une<br />
nation 8 , <strong>et</strong>hnicité, race) sont souvent regroupés sous le premier terme — l’origine —<br />
utilisé à titre générique. Ainsi fait la HALDE, par exemple, quand elle dresse le bilan<br />
des réclamations qu’elle traite chaque années. Pour subsumer l’ensemble de ces<br />
critères, on parlera donc ici des <strong>discriminations</strong> liées aux origines.<br />
Raccourci aussi commode que critiquable. Car il existe un type particulier<br />
d’origines qui se trouve ainsi exclu alors qu’il pèse lourdement sur les destinées : les<br />
origines sociales, souvent approchées par la catégorie socioprofessionnelle des parents.<br />
On a déjà dit à quel point elles diffractent les trajectoires <strong>et</strong> différencient les chances<br />
d’accès aux biens de toute sorte, y compris quand la comparaison s’effectue à revenu<br />
égal <strong>et</strong> instruction identique. <strong>Le</strong> COMEDD ne peut que reprendre à son compte le<br />
message délivré par l’Observatoire des inégalités dans sa contribution : le fait de<br />
s’intéresser aux origines nationales ou <strong>et</strong>hniques ne signifie aucunement qu’on doive se<br />
désintéresser des origines sociales, encore moins qu’on veuille occulter le rôle capital de<br />
ces dernières dans la reproduction des inégalités. Au demeurant, on ne voit pas<br />
comment il serait possible de détecter d’éventuelles <strong>discriminations</strong> sans avoir<br />
simultanément une bonne connaissance des inégalités sociales. <strong>Le</strong>s <strong>discriminations</strong><br />
selon l’origine ne peuvent s’étudier que sur fond d’inégalités sociales, avec une attention<br />
particulière au problème de la reproduction des inégalités d’une génération à l’autre,<br />
8 <strong>Le</strong> sens recouvert par « appartenance à une nation » n’est pas évident à saisir. Il ne s’agit pas de<br />
nationalité, puisque le droit français établit des distinctions entre national <strong>et</strong> étranger qui, pour être<br />
contestées, n’en sont pas moins légales <strong>et</strong> ne sont pas à ce titre considérées comme des<br />
<strong>discriminations</strong>. L’idée d’« appartenance nationale », au sens des minorités nationales observées dans de<br />
nombreux Etats, ne s’applique probablement pas puisque la France refuse de reconnaître de telles<br />
minorités.<br />
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