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Inégalités et discriminations - Le Monde

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qu’on peut approcher à travers la marque persistante des origines sociales sur les<br />

« chances de vie ».<br />

Ce principe de base ne doit pas conduire pour autant à postuler une redondance<br />

entre les origines migratoires <strong>et</strong> les origines populaires, comme si la dimension<br />

<strong>et</strong>hnique était soluble dans la dimension sociale. La statistique spontanée du sens<br />

commun nous convainc aisément que les familles d’origine immigrée sont fortement<br />

concentrées dans les milieux d’origine populaire. Mais dans quelle mesure précisément<br />

? Et comment le recouvrement des divers types d’origine évolue-t-il au fil du<br />

temps avec les eff<strong>et</strong>s de la mobilité sociale, même relative, <strong>et</strong> la succession des<br />

générations ? Dès qu’on cherche à préciser ces données, l’intuition ne suffit plus, il<br />

faut faire appel à une analyse statistique en bonne <strong>et</strong> due forme. Pour peu qu’elle<br />

dispose des données pertinentes, la statistique moderne a précisément les moyens de<br />

démêler l’influence respective des origines sociales <strong>et</strong> des origines nationales sur la<br />

genèse des inégalités. On démontre ainsi que la ségrégation <strong>et</strong>hnique a progressé en<br />

France depuis 1982, alors que la ségrégation sociale a reculé — preuve que les deux<br />

phénomènes ne sont pas simplement redondants (Pan Ké Shon 2009). Sur le plan<br />

technique, cela implique des analyses multicritères <strong>et</strong> multivariées, effectuées toutes<br />

choses égales par ailleurs. <strong>Le</strong> présent rapport privilégiera c<strong>et</strong>te orientation, même s’il<br />

n’est pas toujours simple de la m<strong>et</strong>tre en œuvre.<br />

En résumé, quand il sera question des « origines » tout court dans la suite de ce<br />

rapport, seront visées en priorité les origines nationales ou <strong>et</strong>hniques, mais sans<br />

exclure, le moment venu, d’analyser les relations entre origines <strong>et</strong>hniques <strong>et</strong> origines<br />

sociales.<br />

L« <strong>et</strong>hnique » dans toutes ses significations : une large gamme demplois<br />

« Ethnique » : peu de mots sont aussi piégés. La loi condamne les <strong>discriminations</strong><br />

opérées sur le critère de l’appartenance <strong>et</strong>hnique réelle ou supposée. Mais qu’entendre<br />

par là ? Tout serait simple si le terme avait un sens univoque. Il n’en est rien : son<br />

spectre est très large <strong>et</strong> contribue à embrouiller le débat. Selon le contexte, l’adjectif<br />

<strong>et</strong>hnique (ou le substantif savant <strong>et</strong>hnicité) prend une signification plus ou moins forte<br />

ou, pour parler comme Clifford Geertz, plus ou moins « épaisse ». Derrière une<br />

dénomination qui sert d’épouvantail à nos débats se cachent en fait des catégorisations<br />

au contenu variable <strong>et</strong> aux usages tout aussi différenciés.<br />

On repèrera tout d’abord l’<strong>et</strong>hnique comme trace du pays d’origine, c’est-à-dire<br />

l’origine <strong>et</strong>hnique ou l’<strong>et</strong>hnicité (<strong>et</strong> non pas l’<strong>et</strong>hnie) comme nationalité ou pays<br />

d’origine des descendants des immigrés, que ces descendants soit de première<br />

génération ou plus éloignés. Un tel emploi du mot « <strong>et</strong>hnique » est désormais courant<br />

dans les pays européens qui, à l’instar de la France, prohibent les classifications<br />

raciales : Pays-Bas, pays nordiques, Allemagne, Italie, Espagne, <strong>et</strong>c. Nulle référence<br />

au sens anthropologique de l’<strong>et</strong>hnie, car il va de soi que les Français d’origine<br />

portugaise ne relèvent pas d’une « <strong>et</strong>hnie portugaise », pas plus que les Français établis<br />

à l’étranger ne forment une « <strong>et</strong>hnie française ». Ainsi comprise, l’<strong>et</strong>hnicité prend une<br />

valeur essentiellement descriptive. Attentive à l’origine (origin-conscious, comme on<br />

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