Inégalités et discriminations - Le Monde
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acisme <strong>et</strong> de la discrimination. Cela suppose de pouvoir réunir dans les mêmes<br />
enquêtes des données sur les diverses composantes concernées :<br />
- trajectoire de nationalité sur deux ou trois générations ;<br />
- composante migratoire (pays de naissance de la personne, pays de<br />
naissance des parents) [dite souvent « géographique » par euphémisme] ;<br />
- origine sociale ;<br />
- composante territoriale (type de quartier) ;<br />
- composante coloniale (distinction entre descendants des colons <strong>et</strong><br />
descendants des colonisés) ;<br />
- composante infranationale ou transnationale (groupe <strong>et</strong>hnique au sens<br />
anthropologique moderne) ;<br />
- composante anthroponymique (prénom, patronyme) ;<br />
- composante linguistique (langues transmises par la famille) ;<br />
- composante raciale (c’est-à-dire supposée telle, notamment couleur de la<br />
peau, phénotype perçu comme renvoyant à une origine <strong>et</strong> autre qualificatif<br />
<strong>et</strong>hno-raciale), qu’il convient d’éclater entre l’assigné, le perçu par soi <strong>et</strong> le<br />
perçu attribuable à un tiers discriminateur.<br />
Quand agréger des pays ou des nationalités produit une classification géo-raciale<br />
On peut aller plus loin en observant qu’un même critère est plus ou moins<br />
sensible selon le découpage dont il est obj<strong>et</strong>. C’est le cas du pays de naissance ou de<br />
l’ancienne nationalité (qu’on s’en tienne au répondant ou qu’on remonte aux parents).<br />
L’origine étrangère fait partie des variables sensibles au sens de la loi de 1978. En<br />
première lecture, toutefois, elle semble présenter un degré de sensibilité minimal :<br />
c’est une variable immuable <strong>et</strong> officielle, dûment consignée sur les documents d’état<br />
civil. Quoi de plus objectif ? Mais que l’on vienne à regrouper les pays ou les nations<br />
par grandes aires culturelles ou par sous-continents, <strong>et</strong> l’on r<strong>et</strong>ombera aussitôt sur<br />
des ensembles religieux ou des ensembles qu’on pourrait dire « géo-raciaux ».<br />
L’exemple le plus connu en est la classification : « Blanc, Afro-américain (ou Noir),<br />
Asiatique, Indien natif, Hispanique » utilisée par le Census Bureau américain. Hollinger<br />
(1995) a rappelé que ce « pentagone <strong>et</strong>hno-racial » réactivait le vieux chromatisme<br />
populaire blanc-noir-jaune-rouge-brun. <strong>Le</strong>s Français suivent, mutatis mutandis, une<br />
logique analogue quand ils regroupent les pays d’origine par continents ou par aires<br />
culturelles. <strong>Le</strong> monde arabe occupe un peu dans leurs représentations la place du<br />
monde hispanique.<br />
Quant aux peuples natifs ou indigènes, la France en compte également sur son<br />
sol, mais dans des aires « ultrapériphériques », comme dit l’Europe, notamment en<br />
Guyane <strong>et</strong> en Nouvelle-Calédonie 126 . Tant que des événements dramatiques ne les<br />
126 À la suite du rapport de Bernard Cerquiglini (1999), la Délégation générale à la langue<br />
française <strong>et</strong> aux langues de France (DGLFLF) a dénombré pour la seule Guyane une douzaine de<br />
langues susceptible d’intéresser la Charte européenne des langues minoritaires : le créole à base<br />
lexicale française, les créoles bushinenge à base lexicale anglo-portugaise (saramaca, aluku, njuka,<br />
paramaca), les langues amérindiennes (galibi ou kalina, wayana, palikur, arawak ou lokono, wayampi<br />
<strong>et</strong> émerillon), ainsi que le hmong. Pour la Grande-Terre de Nouvelle-Calédonie, réputée pour son<br />
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