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Inégalités et discriminations - Le Monde

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signalent pas à notre attention, ces peuples restent aux limites de notre champ de<br />

vision, pour ne pas dire invisibles. Ils n’en existent pas moins.<br />

Qu’une nomenclature géo-raciale des nationalités d’origine soit formulée sur le<br />

mode géographique (Europe, Maghreb <strong>et</strong> Proche-Orient, Afrique au sud du Sahara,<br />

reste de l’Asie…) ou sur le mode pan-<strong>et</strong>hnique (Européen, Arabe, Africain, Asiatique…)<br />

ne change pas grand chose à sa nature. D’une variante à l’autre, l’esprit du<br />

découpage demeure : mêmes lignes de division, même système relationnel, qui<br />

consiste à tracer des cercles d’éloignement croissant à partir de l’<strong>et</strong>hnocentre, en<br />

tenant compte de la répartition numérique des courants migratoires, elle-même liée à<br />

l’histoire coloniale (ce qui fait, par exemple, que Maghreb <strong>et</strong> monde arabe sont<br />

largement synonymes en France alors qu’ils ne sauraient l’être d’un point de vue<br />

britannique). Dès lors qu’un chercheur étudie les destinées <strong>et</strong> le comportement des<br />

« enfants d’immigrés maghrébins », des « enfants d’immigrés asiatiques », <strong>et</strong>c., comparés<br />

aux personnes d’origine française ou européenne, il ne fait aucun doute qu’il produit<br />

non seulement des « statistiques <strong>et</strong>hniques » (car c’est ainsi qu’on désigne ce type de<br />

résultats partout en Europe) mais des « statistiques géo-raciales » qui ne disent pas leur<br />

nom, <strong>et</strong> que les chercheurs américains qualifient parfois de « pan-<strong>et</strong>hniques », parce<br />

qu’elles mélangent les peuples les plus divers au sein d’un même ensemble. Ces<br />

statistiques ont beau se vouloir « républicaines », la différence qui les sépare des<br />

travaux américains est ténue, pour ne pas dire imperceptible.<br />

Il existe, parallèlement, des regroupements de type géo-religieux. On ne trompe<br />

personne quand on réunit en une seule catégorie les migrants de Turquie, du Proche-<br />

Orient <strong>et</strong> du Maghreb (ou leurs enfants) : c’est le monde musulman qui est ainsi visé.<br />

<strong>Le</strong> procédé est ancien. <strong>Le</strong>s politologues qui ont cherché à vérifier si la montée du<br />

Front national était corrélée à la présence de l’islam ont publié dès le milieu des<br />

années 1980 des cartes sur la part des « étrangers turcs <strong>et</strong> maghrébins » dans chaque<br />

département à partir des données du recensement. Plus récemment, certains testings<br />

mêlent les prénoms turcs <strong>et</strong> les prénoms arabes, les uns <strong>et</strong> les autres fortement<br />

marqués par l’islam, au motif que les discriminateurs les confondent eux-mêmes.<br />

<strong>Le</strong> géographique est toujours géopolitique, souvent géo-religieux <strong>et</strong> aisément<br />

géo-racial. Si l’objectif de la mesure est de reconstituer la logique classificatoire des<br />

discriminateurs potentiels pour estimer les eff<strong>et</strong>s négatifs qu’elle entraîne sur les<br />

destinées des personnes, il faudra conclure qu’avoir un père né en Afrique de l’Ouest<br />

est un critère dont la charge <strong>et</strong>hno-raciale est autrement plus forte que d’avoir un<br />

père né dans un pays de l’Union européenne. C’est un paradoxe auquel on ne<br />

réfléchit pas assez : alors qu’on considère habituellement qu’une nomenclature détaillée est<br />

plus sensible qu’une nomenclature très agrégée, c’est souvent l’inverse en matière d’origines.<br />

Quand on se fonde sur les pays de naissance <strong>et</strong> les anciennes nationalités pour réunir<br />

toutes les personnes originaires d’Afrique subsaharienne ou toutes celles originaires<br />

extrême diversité linguistique, le même rapport énumère 24 langues : nyelâyu, kumak, caac, yuaga,<br />

jawe, nemi, fwâi, pije, pwaamei, pwapwâ, langue de Voh-Koné, cèmuhi, paicî, ajië, arhâ, arhö, ôrôê,<br />

neku, sîchë, tîrî, xârâcùù, xaragurè, drubéa, numèè. Un inventaire analogue a été mené dans les îles<br />

Loyauté, à Wallis <strong>et</strong> Futuna, à Mayotte <strong>et</strong> en Polynésie.<br />

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