04.10.2014 Views

Inégalités et discriminations - Le Monde

Inégalités et discriminations - Le Monde

Inégalités et discriminations - Le Monde

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

ou reçu un prénom typiquement français ou international à leur naissance : elles<br />

n’en subiront pas moins la violence des stéréotypes <strong>et</strong> des préjugés si d’autres<br />

caractéristiques physiques, vestimentaires ou linguistiques peuvent suggérer une<br />

origine <strong>et</strong>hnique ou raciale non conforme au modèle dominant.<br />

<strong>Le</strong>s cas de dissonance entre le patronyme <strong>et</strong> l’apparence sont souvent évoqués<br />

comme une source d’embarras <strong>et</strong> d’équivoque dans les relations sociales, voire de<br />

confusion identitaire. En ce sens, le patronyme joue indéniablement un rôle<br />

essentiel, mais à l’intérieur d’un ensemble de signes qui relèvent du même univers<br />

de signifiants <strong>et</strong>hniques <strong>et</strong> raciaux.<br />

Études patronymiques : quelques exemples<br />

Quelques exemples de ce type d’études suffiront.<br />

L’enquête de l’Observatoire régional des études supérieures de la région Nord–<br />

Pas-de-Calais r<strong>et</strong>ient l’attention à maints égards (Wiewiorka 2009). On évoquera ici<br />

l’originalité de la méthode, inspirée de l’enquête de G. Felouzis dans l’Académie<br />

de Bordeaux (ORES 2007 ; Decharne <strong>et</strong> Liedts 2008). L’enquête porte sur 27 518<br />

bacheliers de nationalité française de la promotion 2004 qui se sont inscrits dans<br />

l’enseignement supérieur de la région. Pour identifier ceux qui portaient un<br />

prénom d’origine arabe ou musulmane susceptible de les exposer à la discrimination,<br />

l’Observatoire a croisé les prénoms des étudiants avec une base d’environ<br />

13 000 prénoms arabes <strong>et</strong> musulmans établie par une association lilloise (l’Association<br />

pour une interculturalité citoyenne) qui avait repéré dans la base nationale des<br />

patronymes de l’INSEE (elle-même issue de l’état civil <strong>et</strong> de grandes enquêtes) les<br />

diverses graphies possibles des prénoms « d’origine arabe ou musulmane ». L’Observatoire<br />

en a exclu les prénoms qui pouvaient prêter à confusion avec des prénoms<br />

internationaux (comme Nadia ou Myriam). Il a pu identifier ainsi 2 059 étudiants<br />

porteurs de ces prénoms, les 25 459 autres étudiants ayant été regroupés dans une<br />

catégorie « autres prénoms » sans distinction d’origine.<br />

Deux étapes du cursus ont été examinées : la probabilité de s’inscrire dans des<br />

filières plus ou moins sélectives de l’enseignement supérieur <strong>et</strong> le devenir après un<br />

an d’études : abandon, redoublement, passage au niveau supérieur. Pour chacune<br />

de ces étapes, l’eff<strong>et</strong> du prénom est confronté à celui des facteurs proprement<br />

sociaux ou scolaires : sexe, origine sociale, type de baccalauréat, obtention du bac à<br />

l’heure ou en r<strong>et</strong>ard. La confrontation est menée successivement selon trois<br />

méthodes classiques : les croisements de variables deux à deux, l’analyse factorielle<br />

« toutes choses inégales réunies » <strong>et</strong> l’analyse de régression « toutes choses égales par<br />

ailleurs » 27 .<br />

27 Il en ressort que les facteurs sociaux <strong>et</strong> les facteurs <strong>et</strong>hniques ne se recouvrent pas <strong>et</strong> qu’à<br />

milieu social égal <strong>et</strong> type de bac identique, la probabilité de s’inscrire dans les filières les moins<br />

sélectives (notamment DEG-AES) est fortement accrue pour les porteurs d’un prénom arabomusulman,<br />

sans que la nature du mécanisme de discrimination soit explicable pour autant. Pour<br />

l’accès aux filières de sciences dures ou aux classes préparatoires de grandes écoles, en revanche, le<br />

facteur <strong>et</strong>hnique approché par le prénom n’ajoute ni ne r<strong>et</strong>ranche rien à la probabilité d’inscription,<br />

qui s’explique davantage par d’autres facteurs (sexe, milieu social, type de bac).<br />

38

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!