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Inégalités et discriminations - Le Monde

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gories de traitements selon les modalités prévues à l’article 25. <strong>Le</strong>s dispositions des chapitres<br />

IX <strong>et</strong> X ne sont pas applicables.<br />

IV.— De même, ne sont pas soumis à l’interdiction prévue au I les traitements, automatisés<br />

ou non, justifiés par l’intérêt public <strong>et</strong> autorisés dans les conditions prévues au I de<br />

l’article 25 ou au II de l’article 26. »<br />

Mais, dira-t-on, pourquoi tant d’exceptions au principe ? Ne risque-t-on pas de<br />

ruiner le principe à force d’exceptions ? Dans son rapport de 1996 sur le principe<br />

d’égalité, le Conseil d’État a expressément abordé la question. Qu’une interdiction de<br />

principe soit suivie de dérogations illustre une vérité générale : « il s’avère souvent<br />

que, malgré les efforts entrepris pour que la loi soit générale, c<strong>et</strong> objectif se révèle hors<br />

d’atteinte en raison de la complexité des situations réelles. Il faut dans ce cas que la loi ellemême<br />

prévoie des dérogations à ses propres prescriptions ou, si elle ne le fait pas, que<br />

l’administration soit autorisée à procéder à ces dérogations » (Conseil d’État 1997 : 55). Et<br />

le juge administratif de préciser que la dérogation peut constituer « l’instrument d’une<br />

justice équitable alors qu’un traitement égal serait inéquitable ».<br />

La remarque du Conseil d’État attire l’attention sur un point essentiel. <strong>Le</strong> droit<br />

doit tenir compte de la complexité des situations s’il veut garder prise sur le réel. Il en<br />

va de même pour la recherche <strong>et</strong> la statistique sociales. Elles n’ont aucune chance de<br />

débrouiller la complexité du réel si elles se contentent de l’observer sur un mode<br />

distant <strong>et</strong> abstrait. Sur le point qui intéresse le présent rapport, le problème est<br />

particulièrement aigu : plus la recherche <strong>et</strong> la statistique sociales tentent de saisir le<br />

mécanisme des <strong>discriminations</strong>, plus elles sont amenées à reconstituer la logique du<br />

discriminateur, quitte à encourir le soupçon d’être trop proche de ce dernier.<br />

<strong>Le</strong> testing patronymique en offre une bonne illustration. Quand on envoie à un<br />

échantillon d’employeurs des paires de CV qui ne diffèrent que par le patronyme des<br />

candidats <strong>et</strong> qu’on prend soin d’opposer aux patronymes d’origine française des<br />

patronymes dont la consonance <strong>et</strong>hnique est susceptible d’exposer la personne à un<br />

refus discriminatoire, il vient nécessairement un moment où le responsable de<br />

l’opération doit interpréter la consonance <strong>et</strong>hnique des patronymes avant de les<br />

traiter statistiquement. <strong>Le</strong> but du dispositif est clair : piéger l’éventuel discriminateur<br />

en lui soum<strong>et</strong>tant des cas qui activeront ses représentations en matière de divisions<br />

<strong>et</strong>hniques. <strong>Le</strong> testing doit donc reconstituer les catégories mentales des discriminateurs<br />

potentiels pour en apprécier les eff<strong>et</strong>s sur le filtrage des candidats 49 . Ceci se fait<br />

par dérogation légale à l’interdiction de principe qui pèse sur le traitement statistique<br />

des catégories <strong>et</strong>hniques. La CNIL doit être saisie de tout proj<strong>et</strong> de recherche de ce<br />

type. Il lui revient d’apprécier quelle dérogation prévue à l’article 8 peut justifier la<br />

suspension de l’interdiction : finalités de recherche <strong>et</strong> de diagnostic, intérêt général<br />

de l’étude, usage judiciaire pour la défense des victimes, <strong>et</strong>c.<br />

49 C<strong>et</strong>te catégorisation peut être très agrégée, voire grossière (un discriminateur potentiel ne sait<br />

pas nécessairement distinguer un nom turc d’un nom arabe). Mais elle s’appuie toujours sur une<br />

catégorisation <strong>et</strong>hnique, dût-elle se contenter d’opposer in fine les catégories <strong>et</strong>hniques exposées à la<br />

discrimination aux catégories <strong>et</strong>hniques non exposées.<br />

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