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Inégalités et discriminations - Le Monde

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de ce type de données, ventilées à un niveau géographique fin. <strong>Le</strong>s mêmes<br />

comptages issus du recensement occupent une place de premier plan dans le<br />

matériel didactique distribué au grand public <strong>et</strong> dans les écoles, tels ces p<strong>et</strong>its<br />

disques imprimés qui laissent apparaître, à travers une fenêtre mobile, les chiffresclés<br />

de chaque État fédéré, où l’on voit apparaître au premier rang la ventilation de la<br />

population par races.<br />

L’histoire des dénombrements <strong>et</strong>hniques <strong>et</strong> raciaux a été fort étudiée par les<br />

historiens américains (Anderson ; Prewitt). Elle vient de faire l’obj<strong>et</strong> d’une étude<br />

magistrale en français (Schor 2010). <strong>Le</strong> principal ressort de la banalisation des statistiques<br />

raciales est la volonté que manifestent les minorités de « faire nombre » en se<br />

comptant. C<strong>et</strong>te volonté de reconnaissance est attisée par la concurrence des minorités.<br />

Un exemple saisissant en est la préparation du recensement de 2000 : les lobbies<br />

afro-américains opposèrent une résistance farouche au proj<strong>et</strong> de comptage séparé des<br />

métis ou des enfants de couples mixtes. <strong>Le</strong>ur crainte était que c<strong>et</strong>te minorité intermédiaire<br />

ne diminuât d’autant les effectifs des Noirs, menacés par la concurrence<br />

démographique des Hispaniques. La solution négociée entre le Congrès, l’administration<br />

présidentielle (Office of Management and Budg<strong>et</strong>) <strong>et</strong> les représentants des<br />

minorités fut de renoncer à la création de catégories mixtes en offrant seulement la<br />

possibilité de cocher plusieurs cases, puis d’édicter des normes d’agrégation des<br />

réponses multiples qui donnent toujours la priorité aux minorités non blanches, pour<br />

qu’elles puissent maintenir leurs effectifs.<br />

Dans le même temps, avec un bond spectaculaire en 2000, confirmé dans la<br />

préparation du recensement de 2010, le Census Bureau consacre des moyens colossaux<br />

à des campagnes de mobilisation visant à réduire le risque de sous-dénombrement<br />

(undercount) des minorités les plus pauvres. <strong>Le</strong>s leaders des communautés<br />

locales <strong>et</strong> religieuses sont invités à se lancer dans de véritables concours dont l’enjeu<br />

est de surclasser les communautés voisines par un meilleur taux de couverture. Il<br />

faut ajouter que la statistique fédérale tend aujourd’hui à simplifier le bull<strong>et</strong>in du<br />

recensement : elle ne garde plus que sa version courte (pas plus de dix questions,<br />

dont celles sur l’<strong>et</strong>hnie <strong>et</strong> sur la race). <strong>Le</strong>s interrogations approfondies sont reportées<br />

sur un vaste programme d’enquêtes, dont la plus importante, qui tourne en permanence<br />

dans le pays, est l’American Community Survey (ACS), particulièrement riche<br />

en données sociales, éducatives, économiques <strong>et</strong> <strong>et</strong>hno-raciales.<br />

Est-il besoin de souligner qu’il n’existe en France aucune mobilisation comparable<br />

des minorités ? On peut certes relever, en janvier 2007, la tentative du Conseil<br />

représentatif des associations noires pour estimer les effectifs de l’électorat noir à<br />

travers un sondage commandé à un institut privé. C<strong>et</strong>te opération eut un grand écho<br />

médiatique mais elle resta sans lendemain : nul ne se souvient aujourd’hui du<br />

pourcentage d’électeurs qui s’étaient déclarés « noirs » à c<strong>et</strong>te occasion. <strong>Le</strong> recensement<br />

français, de son côté, ne se prête plus à une vaste campagne de mobilisation<br />

nationale depuis qu’il tourne sur le territoire à un rythme annuel en dénombrant à<br />

chaque mois de janvier environ 14 % de la population. <strong>Le</strong>s populations immigrées ou<br />

issues de l’immigration ne sont pas organisées en France sous la forme de puissants<br />

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