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Inégalités et discriminations - Le Monde

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Léchec de la saisine du Conseil constitutionnel en 2004 <strong>et</strong> la décision de 2007<br />

L’opposition déféra néanmoins la nouvelle loi devant le Conseil constitutionnel.<br />

Outre qu’elle trouvait le texte obscur, elle mit en cause l’article 8 qui énonçait l’interdiction<br />

de principe du traitement des « données sensibles » tout en prévoyant une<br />

dizaine de dérogations. Fait digne d’être noté, la saisine m<strong>et</strong>tait en cause une seule de<br />

ces dérogations, celle qui accordait aux avocats l’accès aux données personnelles de<br />

leur client ou de la partie adverse <strong>et</strong> qui était jugée périlleuse pour la vie privée.<br />

Aucune des neuf autres dérogations de l’article 8 n’étaient visées <strong>et</strong>, en particulier,<br />

aucune de celles qui bénéficiaient déjà largement à la statistique sociale, y compris à<br />

la statistique des origines 45 .<br />

La saisine échoua. Par décision du 29 juill<strong>et</strong> 2004 (n° 2004-499 DC), le Conseil<br />

constitutionnel décida de valider en l’état la transposition de la directive de 1995<br />

dans la loi de 2004. Il est permis de penser que si le juge constitutionnel avait relevé<br />

dans le même article 8 de la loi une violation flagrante d’une norme constitutionnelle, il<br />

n’eût pas manqué de la relever, fût-ce en incidente, obiter dictum 46 .<br />

Trois ans plus tard, en octobre 2007, le Conseil constitutionnel eut l’occasion de<br />

revenir sur la loi Informatique <strong>et</strong> libertés à la faveur du débat sur la « loi Hortefeux »<br />

relative au contrôle des flux migratoires. Un amendement au proj<strong>et</strong> de loi fut déposé<br />

par deux députés de la majorité récemment nommés à la CNIL afin de compléter<br />

l’article 8 de la loi de 2004. Il s’agissait d’ajouter à la liste des dérogations existantes<br />

une dérogation nouvelle pour les « études sur la mesure de la diversité des origines ».<br />

<strong>Le</strong> juge constitutionnel censura l’amendement au motif qu’il n’avait pas sa place<br />

dans une loi sur le contrôle de l’immigration (argument dit du « cavalier législatif »).<br />

La loi Informatique <strong>et</strong> libertés fut donc laissée en l’état. Mais le Conseil saisit c<strong>et</strong>te<br />

occasion pour souligner qu’un traitement de données reposant sur les origines<br />

raciales ou <strong>et</strong>hniques contrevenait au principe constitutionnel de l’égalité des<br />

citoyens « devant la loi » affirmé dans l’article 1 er de la Constitution, ce que la majorité<br />

des commentateurs interpréta aussitôt comme une interdiction absolue <strong>et</strong> définitive<br />

des « statistiques <strong>et</strong>hniques » en France, comme si les multiples dérogations prévues<br />

par la loi avaient été abolies par le Conseil constitutionnel.<br />

Décision « à la vérité surprenante », dira plus tard le comité Veil, <strong>et</strong> qui était propre<br />

à déconcerter la CNIL. Elle fut éclairée quelques mois plus tard, comme on le verra,<br />

par un additif apporté aux commentaires des Cahiers du Conseil constitutionnel,<br />

publication officielle du Conseil consultable sur son site Intern<strong>et</strong>. On verra de quelle<br />

façon la CNIL en tint compte dans ses avis sur divers proj<strong>et</strong>s d’enquête comportant<br />

45 La saisine faisait écho à la tribune, déjà citée, de L. Cadoux <strong>et</strong> R. Forni, qui redoutaient que la<br />

dérogation accordée aux données judiciaires n’aboutît à constituer un « casier judiciaire parallèle ». Était<br />

également dénoncé le traitement dérogatoire de données sensibles pour cause d’intérêt général, qui<br />

risquait, selon ces deux personnalités, de valider des fichages au nom de la défense ou de la sûr<strong>et</strong>é de<br />

l’État. La tribune ne faisait aucune allusion aux usages que pouvaient faire les statisticiens de ces<br />

dérogations.<br />

46 La doctrine varie à ce suj<strong>et</strong>. Mais, si l’on peut douter que l’examen d’un article de loi par le<br />

Conseil constitutionnel s’étende implicitement au reste de la loi, on voit mal comment il pourrait<br />

examiner une disposition particulière en fermant les yeux sur les autres dispositions du même article.<br />

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