Inégalités et discriminations - Le Monde
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l’enquête commandée en janvier 2007 à TNS-SOFRES par le CRAN. C<strong>et</strong>te enquête avait<br />
frappé les esprits parce qu’elle avait adopté une approche directe de la couleur de<br />
la peau par auto-déclaration. Elle montre que les Français originaires des DOM se<br />
déclarent plus souvent « métis » avec « des ascendants noirs » que les migrants ou<br />
enfants de migrants venus d’Afrique subsaharienne (Ndiaye 2008 : 90-91) ; elle<br />
révèle aussi que les indicateurs sociaux des répondants se déclarant « métis »<br />
(revenus, diplôme, emploi) sont systématiquement plus élevés que ceux des<br />
répondants se disant « noirs ». <strong>Le</strong>s métis déclarent moins souvent avoir été<br />
contrôlés par la police. Encore s’agit-il là d’écarts bruts, sans contrôle des interférences<br />
avec d’autres facteurs. Il faudrait, en toute rigueur, comparer la probabilité<br />
de nouer des unions mixtes sur le même territoire (soit en métropole soit dans les<br />
DOM) en le faisant à durée de séjour égale <strong>et</strong> à niveau générationnel identique (en<br />
comparant, par exemple, des enfants de migrants étrangers <strong>et</strong> des enfants de<br />
« migrants BUMIDOM » venus en métropole). Postuler que le « métissage » des unions<br />
atteint d’ores <strong>et</strong> déjà en France un niveau tel qu’il rend superflue ou impraticable<br />
toute mesure des barrières <strong>et</strong>hno-raciales entre les groupes, c’est attribuer à la<br />
société française un faible niveau de ségrégation qui est justement la réalité sociale<br />
à mesurer.<br />
<strong>Le</strong> métissage fait-il obstacle à la statistique des origines ?<br />
Il est nécessaire, en quatrième lieu, d’aborder une objection très répandue, à savoir<br />
que le métissage empêcherait toute étude statistique de la diversité ou des discrimination<br />
liées aux origines. L’objection serait valide si le but de l’opération était de classer les<br />
origines de la population dans des catégories mutuellement exclusives, à des fins<br />
de comptage. Mais le but est très différent ; il s’agit d’analyser les risques de<br />
discrimination. L’objection de la mixité vaut en fait pour la statistique en général,<br />
quel que soit le thème étudié, elle est habituée de longue date à traiter des réalités<br />
multiples, des catégories qui se chevauchent, des frontières qui se déplacent.<br />
Commençons par l’exemple trivial des personnes qui possèdent à la fois une<br />
automobile <strong>et</strong> un vélo. Une statistique sur la possession d’automobiles peut garder<br />
son utilité. Elle sera sélective <strong>et</strong> réductrice, c’est entendu, mais personne ne soutiendra<br />
qu’elle « assigne » les automobilistes à une catégorie unique en sacrifiant la<br />
dimension cycliste de leur existence ou en oubliant que les automobilistes sont<br />
aussi, par ailleurs, des piétons. Si l’on veut maintenant enrichir l’approche statistique<br />
pour coller davantage à la réalité, rien n’empêche le statisticien de briser<br />
l’« enfermement identitaire » en croisant les deux statistiques de possession <strong>et</strong> en<br />
créant une catégorie mixte : à la fois automobilistes <strong>et</strong> cyclistes.<br />
Pour prendre un domaine plus proche des questions d’identité, la statistique<br />
publique a eu l’occasion depuis longtemps (enquête Contacts 1982) d’étudier les<br />
adhésions aux associations (sportive, culturelle, humanitaire, religieuse, politique,<br />
syndicale, du troisième âge, <strong>et</strong>c.) en tenant compte des personnes qui cumulent<br />
plusieurs adhésions. Elle sait décrire la multi-adhésion ; elle peut aussi combiner les<br />
adhésions des divers membres d’un même ménage ou les adhésions d’un même<br />
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