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Inégalités et discriminations - Le Monde

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objectives, ils ne sauraient, sans méconnaître le principe énoncé par l’article 1 er de la<br />

Constitution, reposer sur l’origine <strong>et</strong>hnique ou la race » (décision n° 2007-557 DC du 15<br />

novembre 2007, Loi relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration <strong>et</strong> à<br />

l’asile, JO du 21 novembre 2007, p. 19001).<br />

Certains ont déduit de c<strong>et</strong>te décision, à la vérité surprenante, que le Conseil<br />

avait, de la sorte, complètement fermé la porte au principe même de statistiques<br />

perm<strong>et</strong>tant de connaître les handicaps dont souffrent les minorités visibles (Voir<br />

notamment l’analyse de Dominique Turpin, Dalloz 2008, p. 1648).<br />

<strong>Le</strong> commentaire officiel de la décision aux Cahiers du Conseil constitutionnel invite<br />

toutefois à une lecture moins radicale, le Conseil n’ayant en fait pas entendu, si l’on<br />

se fie à c<strong>et</strong>te explicitation, s’opposer à la collecte de données objectives telles que le<br />

nom, l'origine géographique ou la nationalité antérieure à la nationalité française, ni<br />

même au traitement de données subjectives comme celles fondées sur le « ressenti<br />

d'appartenance ». Or il est permis de penser que la prise en compte du nom, de<br />

l’origine géographique ou de la nationalité antérieure à l’acquisition de la nationalité<br />

française, tout cela éventuellement joint à la considération du « ressenti<br />

d’appartenance » exprimé par les enquêtés, pourrait donner des résultats d’une<br />

lisibilité finalement assez comparable à celle que perm<strong>et</strong>trait le maniement d’un<br />

référentiel de type <strong>et</strong>hno-racial. <strong>Le</strong> comité a donc considéré, au bénéfice de ces<br />

explications, que la jurisprudence de novembre 2007 ne justifie pas une modification<br />

du Préambule de la Constitution. »<br />

L’allusion est brève mais elle a le mérite de pointer du doigt la question récurrente<br />

de la transparence <strong>et</strong> de l’hypocrisie qui hante l’ensemble du dossier relatif aux<br />

statistiques <strong>et</strong>hniques. En m<strong>et</strong>tant le doigt sur la différence presque imperceptible qui<br />

sépare les méthodes indirectes des méthodes directes pour appréhender les origines,<br />

le comité Veil fait apparaître la fragilité des distinctions habituellement pratiquées<br />

entre variables légitimes <strong>et</strong> variables illégitimes. Peut-on déclarer anticonstitutionnel<br />

l’usage des mots « noir », « arabe » ou « asiatique » dans une étude de mesure de la<br />

diversité tout en jugeant conforme un relevé des pays de naissances ou des anciennes<br />

nationalités qui atteste avec une grande probabilité des origines subsahariennes,<br />

arabes ou extrême-orientales ? Quelle différence reste-t-il entre les deux options si, de<br />

surcroît, il est licite d’analyser la consonance <strong>et</strong>hnique des prénoms ou des<br />

patronymes <strong>et</strong>, au besoin, d’y ajouter un « ressenti d’appartenance », deux méthodes<br />

expressément avalisées par le Conseil constitutionnel ? La relation d’équivalence<br />

reconnue par le comité Veil étant réversible, le raisonnement se r<strong>et</strong>ourne comme un<br />

gant : on ne comprend plus pourquoi A reste prohibé s’il suffit de cumuler A’, A’’ <strong>et</strong><br />

A’’’ pour en offrir l’équivalent 84 .<br />

La réflexion conduite par le comité Veil favorise ainsi deux conclusions de sens<br />

opposé. L’une qu’il est inutile de recourir à l’approche directe des origines « <strong>et</strong>hniques<br />

84 Pour reprendre une formule récurrente dans le débat, il n’est pas permis d’« appeler un chat un<br />

chat » mais seulement de dire qu’il est né d’un félin chez la voisine (lieu de naissance), qu’il répond au<br />

nom de Minou (méthode patronymique) <strong>et</strong> qu’il miaule quand on lui ferme la porte (ressenti de<br />

discrimination). Mais, dans ce cas, pourquoi ne pas dire simplement que c’est un chat ?<br />

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