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Inégalités et discriminations - Le Monde

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De l<strong>et</strong>hnique faible à l<strong>et</strong>hnique fort<br />

<strong>Le</strong> feuill<strong>et</strong>age sémantique de l’<strong>et</strong>hnicité entre sens faible <strong>et</strong> sens fort, avec possibilité<br />

de sens intermédiaires, contribue à brouiller les débats hexagonaux sur ces<br />

questions. Plutôt qu’une frontière unique, mieux vaut concevoir une frontière<br />

plurielle <strong>et</strong> graduée. La solution préconisée par le COMEDD consiste à préciser pour<br />

quelles finalités, dans quelles circonstances, sous quelles conditions techniques <strong>et</strong><br />

juridiques il est possible de mobiliser une version faible de l’<strong>et</strong>hnicité ou une version<br />

forte.<br />

Une telle solution évite les débats manichéens <strong>et</strong> stériles. Elle est conforme à<br />

l’esprit même de la législation française en matière de données statistiques, qui<br />

n’interdit pas dans l’absolu tout traitement de données faisant apparaître les origines<br />

<strong>et</strong>hniques mais l’autorise à titre dérogatoire <strong>et</strong> sous de strictes conditions. On verra<br />

qu’elle est également dans l’esprit des positions prises par Dominique Schnapper,<br />

sociologue de la nation, par ailleurs membre du Conseil constitutionnel, <strong>et</strong> par Louis<br />

Schweitzer, président de la HALDE.<br />

<strong>Le</strong> problème majeur en France, ainsi qu’on le verra, n’est pas de légitimer le<br />

principe de telles données : le CNIS <strong>et</strong> la CNIL l’ont progressivement validé depuis le<br />

début des années 1990, grâce aux dérogations de l’article 8 de la loi Informatique <strong>et</strong><br />

libertés, tandis que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 15 novembre 2007,<br />

y a vu une méthode « objective » recevable pour « mesurer la diversité ». <strong>Le</strong> véritable<br />

défi, désormais, est de rendre ce principe effectif, en faisant en sorte que la périodicité<br />

des enquêtes assure un suivi dans le temps <strong>et</strong>, surtout, que les données produites<br />

soient diffusées avec un degré de détail qui les rende exploitables, deux conditions<br />

non encore réunies à l’heure actuelle.<br />

Quid des <strong>discriminations</strong> « raciales » ?<br />

Qu’en est-il maintenant de la dimension « raciale » des <strong>discriminations</strong> ? En eff<strong>et</strong>,<br />

le champ des <strong>discriminations</strong> visées par la loi ne se limite pas aux origines nationales<br />

ou <strong>et</strong>hniques. Il comprend les <strong>discriminations</strong> qualifiées légalement de « raciales »,<br />

c’est-à-dire focalisées sur le phénotype des personnes <strong>et</strong>, principalement, la couleur<br />

de la peau. On parlera aussi de <strong>discriminations</strong> « liées aux origines <strong>et</strong> au phénotype » ou<br />

« liées aux origines <strong>et</strong> à l’apparence physique ».<br />

Formule approximative, là encore. Chacun sait, en premier lieu, que l’apparence<br />

physique déborde largement la sphère <strong>et</strong>hno-raciale : une taille éloignée de la norme<br />

commune, un visage jugé disgracieux, les séquelles visibles d’un handicap, tel type<br />

de barbe, un look plus ou moins marqué peuvent être, sur le marché de l’emploi ou<br />

sur le « marché matrimonial », les cibles d’une discrimination aussi intense que celle<br />

fondée sur le phénotype (Amadieu 2005, Herpin 2007). En outre, l’apparence physique<br />

perçue par le discriminateur peut inclure la tenue vestimentaire. Il faut le<br />

rappeler : le choix d’une appellation nécessairement incomplète pour désigner la discrimination<br />

raciale ne signifie pas que le statisticien se désintéresse des connexions<br />

possibles avec d’autres critères.<br />

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