Inégalités et discriminations - Le Monde
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3. <strong>Le</strong> cadre juridique<br />
La statistique sociale <strong>et</strong> les activités d’enquête quantitative font l’obj<strong>et</strong> en France<br />
d’un encadrement juridique particulièrement strict. Il faut décrire c<strong>et</strong>te toile de fond<br />
pour saisir ce que signifie le « traitement de données statistiques sensibles », dont les<br />
données relatives aux « origines <strong>et</strong>hniques ou raciales » constituent un cas particulier.<br />
Au cœur du dispositif se trouve la loi sur l’informatique, les fichiers <strong>et</strong> les libertés de<br />
1978 modifiée en 2004 par transposition de la directive européen de 1995. Chacun sait<br />
qu’elle énonce une interdiction de principe sur le traitement statistique des données<br />
sensibles, dont les données relatives aux « origines <strong>et</strong>hniques <strong>et</strong> raciales ». En revanche,<br />
on ignore généralement que c<strong>et</strong>te interdiction est assortie d’une dizaine de<br />
dérogations qui ont pu bénéficier depuis quinze ans à un nombre croissant<br />
d’enquêtes <strong>et</strong> d’études sur les <strong>discriminations</strong> liées aux origines. On verra de quelle<br />
façon la Commission nationale de l’informatique <strong>et</strong> des libertés (CNIL) a interprété ces<br />
dérogations <strong>et</strong> dans quelle mesure la décision du Conseil constitutionnel en date du<br />
15 novembre 2007 a modifié la situation.<br />
A. – La loi Informatique <strong>et</strong> libertés <strong>et</strong> le traitement des données<br />
sensibles : un principe général <strong>et</strong> de nombreuses dérogations<br />
La protection des données personnelles a longtemps été encadrée en France par<br />
la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers <strong>et</strong> aux libertés, dite « loi<br />
Informatique <strong>et</strong> libertés ». L’objectif initial était de protéger les personnes contre l’extension<br />
du fichage administratif, que les statisticiens des ministères sociaux avaient<br />
proj<strong>et</strong>é d’unifier sur le modèle scandinave (le fameux proj<strong>et</strong> SAFARI). Plus tard,<br />
s’affirma également la volonté de contrôler les fichiers du secteur privé.<br />
Pionnière à bien des égards, la loi Informatique <strong>et</strong> libertés a créé l’instrument<br />
chargé de veiller à son application, la Commission nationale de l’informatique <strong>et</strong> des<br />
libertés (CNIL), premier exemple de haute autorité administrative indépendante dans<br />
notre pays. La même loi a largement inspiré la convention 108 du Conseil de<br />
l’Europe du 28 janvier 1981 « pour la protection des personnes à l’égard du traitement<br />
automatisé de données à caractère personnel ».<br />
Comme le souligne le rapport Braibant de 1998, la loi Informatique <strong>et</strong> libertés<br />
s’est rapidement acquis une remarquable « popularité ». Certains de ses anciens<br />
membres les plus éminents, inqui<strong>et</strong>s de la révision imposée par la transposition de la<br />
directive européenne de 1995, ont même assimilé la loi Informatique <strong>et</strong> libertés à un<br />
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