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Inégalités et discriminations - Le Monde

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Aux marges de la statistique publique, un encadrement incertain<br />

CNIS plus CNIL : ce double contrôle contraste avec le contrôle allégé qui s’exerce de<br />

fait sur les opérateurs privés ou sur les universitaires à leur compte. <strong>Le</strong> COMEDD s’est<br />

aperçu que plusieurs enquêtes ou testings statistiques ayant acquis une certaine<br />

notoriété dans le champ des <strong>discriminations</strong> n’avaient jamais été soumis à la CNIL ou<br />

avaient été lancés sans attendre sa réponse.<br />

Plusieurs facteurs concourent à c<strong>et</strong>te inégalité de traitement.<br />

Il y a d’abord le fait qu’au sein des services publics, les « travaux statistiques<br />

d’ordre intérieur ne comportant pas le concours de personnes étrangères à l'Administration »<br />

ne sont pas soumis aux visas ministériels instruits par le CNIS 69 . C’est le cas de<br />

l’enquête lancée en 2007 par l’Observatoire de la diversité du ministère de l’intérieur<br />

auprès de ses propres agents avec l’aide de l’INED, enquête néanmoins déclarée par le<br />

ministre à la HALDE <strong>et</strong> ayant reçu son aval. Si, en outre, le correspondant Informatique<br />

<strong>et</strong> libertés de l’opérateur certifie que l’enquête est anonyme à la source 70 , il s’ensuit<br />

qu’aucune demande préalable d’autorisation n’est légalement nécessaire.<br />

<strong>Le</strong> doute subsiste, par ailleurs, sur la nécessité de déclarer une enquête locale,<br />

limitée à une région ou à une académie, <strong>et</strong> portant sur un fichier de gestion déjà<br />

déclaré par le gestionnaire, comme c’est le cas de l’enquête patronymique sur la<br />

ségrégation <strong>et</strong>hnique dans les collèges de l’Académie de Bordeaux (Felouzis 2003).<br />

Faut-il déclarer à la CNIL une enquête menée par un laboratoire universitaire <strong>et</strong> non<br />

par un organisme de recherche ? Est-ce bien nécessaire si la méthode adoptée ne<br />

nécessite même pas d’interroger les personnes mais se contente d’analyser la<br />

consonance de leurs prénoms ou de leurs patronymes ? <strong>Le</strong> fait de ne pas contacter les<br />

personnes pour les interroger (comme c’est le cas dans l’analyse patronymique des<br />

annuaires ou des fichiers de gestion) est parfois présenté comme la preuve du caractère<br />

« non intrusif » de la recherche. Mais si l’auteur de l’enquête en tire argument<br />

pour renoncer à informer les personnes du traitement statistique dont elles sont<br />

l’obj<strong>et</strong>, il contrevient au principe d’information loyale défini par la loi Informatique<br />

<strong>et</strong> libertés : nul ne devrait être « statistiqué » à son insu. En conséquence, toute personne a<br />

le droit de savoir qu’on se livre à une interprétation <strong>et</strong>hnique de son patronyme dans le cadre<br />

d’un traitement statistique commandé par une institution officielle. Reste à trouver le<br />

meilleur moyen d’acheminer l’information aux intéressés, quitte à le faire sous forme<br />

collective. Quelles que soient les difficultés qu’on éprouve à traiter ce type de<br />

problème, il est clair que des études statistiques menées dans ces conditions-limites<br />

ne sauraient aucunement constituer un modèle standard à suivre, opposable aux<br />

enquêtes qui prennent la peine de contacter les intéressés <strong>et</strong> de solliciter leur<br />

consentement.<br />

Enfin, nombre de chercheurs désireux d’effectuer un traitement statistique sur un<br />

suj<strong>et</strong> sensible <strong>et</strong> déposant une demande d’avis ne saisissent pas bien la signification<br />

69 Article 2 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination <strong>et</strong> le secr<strong>et</strong> en matière<br />

de statistiques modifiée par la loi du 4 août 2008.<br />

70 En l’occurrence, le questionnaire ne porte aucun identifiant, à telle enseigne qu’il n’est même<br />

pas possible d’adresser un courrier de relance aux seuls non-répondants.<br />

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