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Inégalités et discriminations - Le Monde

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sur celles du Nord insiste sur le caractère mouvant <strong>et</strong> perpétuellement renégocié des<br />

« frontières <strong>et</strong>hniques », en faisant passer à l’arrière-plan l’idée de parenté commune.<br />

Dans c<strong>et</strong>te acception, un usage relativement fréquent d’« <strong>et</strong>hnique » consiste à le<br />

prendre comme substitut euphémique de « racial ». Si la distinction entre ces deux<br />

ordres de catégorisation est loin d’être clarifiée, ne serait-ce que parce que la « race »<br />

n’a d’existence que dans les représentations sociales, on peut tout au moins proposer<br />

la distinction suivante : la « race » est une assignation qui prend appui sur<br />

l’apparence physique <strong>et</strong> des traits somatiques, alors que l’« <strong>et</strong>hnicité » est une identité<br />

sociale fondée sur des pratiques ou sur une revendication.<br />

Vient enfin l’identité « <strong>et</strong>hnique » assignée par le discriminateur <strong>et</strong> reproduite<br />

par le chercheur. Dans ce dispositif, l’identité <strong>et</strong>hnique n’est pas déclarée par la<br />

personne, encore moins revendiquée, mais elle est assignée par l’observateur qui cherche<br />

à reconstituer la perception du discriminateur.<br />

Un bon exemple de c<strong>et</strong>te assignation identitaire est la méthode du testing anthroponymique<br />

qui se propose de m<strong>et</strong>tre à l’épreuve des employeurs ou des bailleurs en<br />

leur envoyant des CV nominatifs : le chercheur n’interroge pas les candidats, il<br />

interprète lui-même les assonances <strong>et</strong>hniques des noms ou prénoms <strong>et</strong> tente ainsi de<br />

reconstituer le principe de sélection <strong>et</strong>hnique mis en œuvre par le discriminateur. À<br />

moins que les personnes sélectionnées ne soient fictives (comme c’est le cas dans<br />

certains testings), la charge <strong>et</strong>hnique du procédé est forte s’il s’avère que le<br />

discriminateur (ou le chercheur qui mime son comportement) m<strong>et</strong> « dans le même<br />

sac » tous les porteurs d’un prénom ou d’un patronyme jugé caractéristique <strong>et</strong> les<br />

rabat sur un groupement <strong>et</strong>hnique que les intéressés ne reconnaissent pas nécessairement.<br />

<strong>Le</strong> recensement de la France : dores <strong>et</strong> déjà républicain <strong>et</strong> <strong>et</strong>hnique<br />

Suivant notre définition de l’« <strong>et</strong>hnique faible », on constate dès lors que le recensement<br />

général de la population en France comporte de facto une question <strong>et</strong>hnique, au<br />

sens communément admis de ce mot en Europe. Car il faut le savoir : depuis 1861<br />

dans les « bull<strong>et</strong>ins de ménage » <strong>et</strong> depuis 1881 dans les « bull<strong>et</strong>ins individuels », le<br />

recensement demande à chaque habitant du pays s’il est Français de naissance,<br />

naturalisé Français ou étranger. À quoi s’ajoute, depuis 1962, une question sur la<br />

« nationalité antérieure » des Français naturalisés. <strong>Le</strong> recensement s’effectuant par<br />

foyer, il est possible d’identifier les enfants d’immigrés qui vivent encore chez leurs<br />

parents, soit une fraction particulière des « secondes générations », selon l’expression<br />

convenue. Ainsi, des chercheurs qui étudient la ségrégation urbaine en Île-de-France<br />

ou dans les « zones urbaines sensibles » <strong>et</strong> qui connaissent seulement la nationalité<br />

actuelle des résidents ou de celle des parents publient-ils des études sur la<br />

« ségrégation <strong>et</strong>hnique » confrontée à la « ségrégation sociale », tout en expliquant les<br />

lacunes <strong>et</strong> les limites de l’exercice, qui gagnerait en solidité s’ils pouvaient disposer à<br />

l’avenir de données systématiques sur les anciennes nationalités des parents<br />

(Préteceille 2009, Pan Ké Shon 2009).<br />

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