Inégalités et discriminations - Le Monde
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Répondant à la saisine, le Conseil a effectivement constaté (…) une absence de<br />
tout lien entre une disposition relative aux « statistiques <strong>et</strong>hniques » <strong>et</strong> une loi<br />
portant sur l’entrée <strong>et</strong> le séjour des étrangers en France. L’irrégularité de la<br />
procédure conduisait en tout état de cause à la censure.<br />
(…) <strong>Le</strong> Conseil n’est cependant parvenu à ce résultat qu’après avoir examiné les<br />
données que peuvent comporter les traitements nécessaires à la conduite d’études<br />
sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination <strong>et</strong> de<br />
l’intégration. Il a jugé que ces traitements peuvent porter sur des données objectives<br />
mais ne sauraient, sans méconnaître le principe énoncé par l’article 1 er de la<br />
Constitution, reposer sur l’origine <strong>et</strong>hnique ou la race.<br />
Ces données objectives pourront, par exemple, se fonder sur le nom, l’origine<br />
géographique ou la nationalité antérieure à la nationalité française.<br />
[L’alinéa qui suit a été ajouté dans la version mise en ligne le 1 er mars 2008]<br />
<strong>Le</strong> Conseil n’a pas jugé pour autant que seules les données objectives puissent<br />
faire l’obj<strong>et</strong> de traitements : il en va de même pour des données subjectives, par<br />
exemple celles fondées sur le « ressenti d’appartenance ».<br />
En revanche, serait contraire à la Constitution la définition, a priori, d’un<br />
référentiel <strong>et</strong>hno-racial. Telle est la limite constitutionnelle qui a été posée par la<br />
décision du 15 novembre 2007. »<br />
On verra plus loin que, par la suite, la CNIL a veillé au strict respect de la décision,<br />
tout en faisant un usage raisonné des dérogations prévues par la loi Informatique <strong>et</strong><br />
libertés. Elle a rendu plusieurs avis positifs sur des enquêtes qui contenaient bel <strong>et</strong><br />
bien des informations sur les origines <strong>et</strong>hniques des personnes, y compris dans un<br />
sens fort de l’<strong>et</strong>hnicité. On essaiera de comprendre selon quelle logique.<br />
<strong>Le</strong> « ressenti dappartenance » : une formule du Conseil constitutionnel<br />
Sur le fond, le second commentaire des Cahiers du Conseil introduit une innovation<br />
qui fera couler beaucoup d’encre : la possibilité de traiter légitimement des<br />
données sur le « ressenti d’appartenance » pour mesurer la diversité des origines.<br />
La CNIL, pour sa part, s’était contentée, dans ses recommandations de 2007, de<br />
mentionner le « ressenti de la discrimination », une formule qui figurait dans certains<br />
proj<strong>et</strong>s de recherche soumis à la Commission. L’usage des guillem<strong>et</strong>s dans les deux<br />
cas indiquait qu’on se contentait d’emprunter une expression au jargon des<br />
chercheurs sans l’intégrer dans la terminologie juridique. Il ne s’agissait que d’un<br />
« exemple », précisait le second commentaire aux Cahiers.<br />
Précautions vaines : malgré c<strong>et</strong>te prise de distance, le « ressenti d’appartenance »<br />
devait polariser par la suite le débat public, ainsi qu’on le verra plus loin. La formule<br />
fut reprise publiquement par Yazid Sabeg en mars 2009, peu après sa nomination<br />
comme commissaire à la diversité <strong>et</strong> à l’égalité des chances. L’idée se répandit qu’il<br />
en était l’auteur. Il n’en était rien. Ce sont les Cahiers du Conseil constitutionnel qui<br />
évoquèrent, pour la première fois, le « ressenti d’appartenance » comme exemple de<br />
« données subjectives » qu’il était permis de traiter dans les études mesurant la<br />
diversité des origines. On réservera au chapitre sur la mesure l’examen des méthodes<br />
dites subjectives <strong>et</strong> objectives.<br />
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