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Inégalités et discriminations - Le Monde

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<strong>Le</strong>s enquêtes patronymiques<br />

<strong>Le</strong>s études sur la ségrégation ou les <strong>discriminations</strong> ont trouvé avec l’exploitation<br />

des noms <strong>et</strong> prénoms une solution qui connaît un grand succès. Utilisant une<br />

information banale qui figure dans la plupart des sources administratives ou des<br />

fichiers de gestion, les analyses fondées sur l’onomastique perm<strong>et</strong>tent d’utiliser des<br />

sources qui n’ont pas été constituées pour identifier l’origine des individus. <strong>Le</strong><br />

principe de c<strong>et</strong>te approche consiste à utiliser le nom ou le prénom, ou les deux,<br />

pour classer les individus dans des catégories. Ces catégories sont différemment<br />

qualifiées : « origine <strong>et</strong>hnique », « origine géographique », « origine extra-européenne »,<br />

voire « consonance potentiellement discriminante ». Dans tous les cas de figure, il s’agit<br />

de constituer des groupes sans disposer d’information sur l’origine <strong>et</strong> de procéder<br />

à des imputations sur la base du nom ou du prénom.<br />

La première finalité de c<strong>et</strong>te analyse réside dans la constitution du panel de<br />

personnes que le chercheur veut interroger. Il n’est pas toujours facile de repérer<br />

les personnes issues de l’immigration dans la population d’un pays. Aussi, l’analyse<br />

de la consonance des noms <strong>et</strong> des prénoms d’un annuaire ou d’une liste de<br />

noms plus restreinte peut constituer un moyen pour le chercheur de constituer son<br />

panel.<br />

Deux exemples illustrent c<strong>et</strong>te première finalité. En 2006, le Conseil représentatif<br />

des institutions juives de France (CRIF) avait souhaité constituer une liste de<br />

personnes supposées appartenir à la communauté juive pour pouvoir les interroger<br />

par questionnaire. La CNIL a refusé d’autoriser le traitement des données car<br />

la constitution de l’échantillon reposait sur la consonance du nom des personnes <strong>et</strong><br />

avait pour finalité, selon elle, de faire apparaître l’appartenance réelle ou supposée<br />

des personnes à la communauté juive. Or, ce traitement ne respectait pas le<br />

principe de proportionnalité entre les moyens <strong>et</strong> les objectifs, ces derniers pouvant<br />

être poursuivis sans recourir à c<strong>et</strong>te méthode de constitution de l’échantillon. La<br />

même année, dans le cadre d’une enquête sur l’intégration des secondes générations<br />

en Europe, l’Institut national d’études démographiques (INED), en tant que<br />

membre d’un réseau de recherche financé par la Commission européenne, fut<br />

autorisé à tirer dans l’annuaire téléphonique de deux régions françaises des noms<br />

<strong>et</strong> prénoms à consonance turque <strong>et</strong> arabe afin de constituer un échantillon de<br />

descendants de migrants turcs <strong>et</strong> marocains. La CNIL a considéré qu’un tel tri<br />

pouvait, de manière indirecte, révéler les origines raciales ou <strong>et</strong>hniques des personnes.<br />

Elle a néanmoins considéré que ce traitement répondait à un objectif<br />

d’intérêt public <strong>et</strong> pouvait bénéficier de la dérogation prévue par la loi car il avait<br />

pour obj<strong>et</strong> de remédier à l’insuffisance actuelle de données statistiques perm<strong>et</strong>tant<br />

aux pouvoirs publics de m<strong>et</strong>tre en œuvre des politiques d’intégration à l’attention<br />

de ces populations, tant au niveau national qu’au niveau européen 25 .<br />

25 <strong>Le</strong> chapitre juridique reviendra plus en détail sur la question des dérogations prévues à<br />

l’article de la loi Informatique <strong>et</strong> libertés.<br />

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