Inégalités et discriminations - Le Monde
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nouvelles. Dans certains cas, les réponses en faveur d’une origine nationale détachée<br />
des communautés (« canadienne » au Canada, « néo-zélandaise » en Nouvelle-<br />
Zélande), après avoir été longtemps jugées « inappropriées » par les autorités, sont<br />
devenues si populaires que les services du recensement ont fini par les entériner.<br />
Ces déplacements ne sont pas propres aux appartenances <strong>et</strong>hno-raciales <strong>et</strong> ils<br />
s’observent pour des variables plus objectives, comme la profession (« paysan »,<br />
« agriculteur », « cadre », « artisan », <strong>et</strong>c. sont, pour les mêmes raisons, des groupes<br />
aux contours sans cesse débattus en France). L’instabilité est cependant consubstantielle<br />
dans le cas des appartenances <strong>et</strong>hno-raciales : elle est un obj<strong>et</strong> d’analyse<br />
en soi. On apprend beaucoup sur la dynamique des groupes <strong>et</strong> leur contribution à<br />
la construction de l’identité sociale en étudiant les phénomènes de transfert d’une<br />
catégorie à une autre (passing dans la littérature anglophone) ou les diverses prises<br />
de position sur la mixité <strong>et</strong> le métissage.<br />
Il fallait évoquer ces expériences étrangères pour donner une idée plus précise<br />
de la construction des données sur l’appartenance <strong>et</strong>hno-raciale, tant le débat<br />
français sur ces questions reste entouré de flou. Il faut en eff<strong>et</strong> le rappeler : on ne<br />
dispose pas en France de questions comparables. Seules font exception deux<br />
enquêtes menées avec des finalités très différentes : l’enquête de l’INED Mesure de la<br />
diversité, qui se proposait de tester plusieurs modes d’enregistrement des origines<br />
(Simon <strong>et</strong> Clément 2006), <strong>et</strong> l’enquête du CRAN réalisée par TNS-SOFRES, qui visait à<br />
estimer l’importance de l’électorat noir en France, mais que Pap Ndiaye a pu<br />
exploiter sur un mode plus scientifique dans son essai sur la condition noire en<br />
France (Ndiaye 2008). Ces essais restant limités <strong>et</strong> sans suite, on manque de<br />
référence pour dresser le bilan des avantages <strong>et</strong> des inconvénients d’une collecte de<br />
données de c<strong>et</strong> type dans le cas français. Pour l’essentiel, les objections qui lui sont<br />
opposées portent sur des questions de principe <strong>et</strong> d’opportunité. Il est parfaitement<br />
légitime de les soulever <strong>et</strong> de les prendre en considération ; il reste que l’évaluation<br />
pragmatique des coûts <strong>et</strong> bénéfices attachés à la déclaration des affiliations <strong>et</strong>hnoraciales<br />
mériterait aussi d’être menée dans un cadre de recherche au lieu d’être<br />
tranchée a priori.<br />
C’est dans c<strong>et</strong>te perspective qu’avait été réalisée l’enquête Mesure de la<br />
diversité. Il s’agissait d’évaluer l’acceptabilité des différents modes de déclaration<br />
de l’origine, y compris l’auto-identification <strong>et</strong>hno-raciale. On en reprendra ici<br />
quelques enseignements.<br />
<strong>Le</strong>nquête expérimentale Mesure de la diversité : lacceptabilité variable des catégories<br />
<strong>et</strong>hno-raciales en France selon les méthodes <strong>et</strong> le contexte<br />
<strong>Le</strong>s répondants à c<strong>et</strong>te enquête anonyme <strong>et</strong> confidentielle menée dans quelques<br />
entreprises, administrations <strong>et</strong> universités, étaient d’abord invités à répondre à une<br />
question ouverte sur l’appartenance <strong>et</strong>hno-raciale, qui ne qualifiait pas le registre<br />
des modalités (voir figure). Dans un deuxième temps, on leur demandait de réagir<br />
à c<strong>et</strong>te question en évaluant leur degré de gêne à y répondre.<br />
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