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Inégalités et discriminations - Le Monde

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d’Asie, on constitue exactement ce que les démographes américains appellent une<br />

catégorie « pan-<strong>et</strong>hnique » : elle m<strong>et</strong> en équivalence les peuples les plus divers qui<br />

n’ont d’autres points communs que d’être originaires du même continent ou du<br />

même sous-continent, en dépit de tout ce qui peut les séparer sur le plan historique,<br />

social, économique, culturel, <strong>et</strong>c. Par définition, « asiatique », « africain au sud du<br />

Sahara », « européen » sont des constructions <strong>et</strong>hnocentrées. <strong>Le</strong>urs différences internes<br />

ne comptent guère : ils sont « tous pareils » de notre point de vue. La situation est un<br />

peu différente en ce qui concerne le monde arabe, dont l’unité linguistique <strong>et</strong><br />

culturelle a de réels fondements historiques : il n’empêche qu’on sous-estime aussi sa<br />

diversité interne. Assurément, la classification pan-<strong>et</strong>hnique des peuples n’est pas<br />

raciste tant qu’elle ne se double pas d’un jugement de valeur qui les hiérarchise en<br />

peuples supérieurs <strong>et</strong> peuples inférieurs. Il est clair cependant qu’elle est déjà portée<br />

par une logique réductrice de type racial, au sens neutre que prétend lui donner par<br />

exemple le recensement américain. Il ne suffit pas de substituer un critère géographique<br />

à un critère racial pour sortir du champ des données sensibles. C’est le<br />

traitement d’ensemble des catégories qu’il faut considérer.<br />

Une forme de statistique <strong>et</strong>hnique : interpréter la consonance <strong>et</strong>hnique du patronyme<br />

Tout aussi troublant est le cas du patronyme. Sa conservation en tant que donnée<br />

personnelle aboutit évidemment à rompre l’anonymat (ce que semblent oublier<br />

parfois les adeptes de la méthode patronymique). Mais, c<strong>et</strong>te circonstance mise à<br />

part, s’agit-il d’une donnée sensible ? On l’a vu, le patronyme figure parmi les motifs<br />

de discrimination énumérés dans le Code pénal qu’on ne r<strong>et</strong>rouve pas dans la liste<br />

des données sensibles dressée par la loi Informatique <strong>et</strong> liberté. Il va de soi, pourtant,<br />

que le patronyme prend une valeur hautement sensible quand il est utilisé comme<br />

indicateur de l’<strong>et</strong>hnicité, <strong>et</strong> pas simplement comme la cible du discriminateur<br />

sélectionnant les candidats à leurs signes d’appartenance. Interpréter la consonance<br />

d’un patronyme pour saisir l’origine <strong>et</strong>hnique de son porteur devient, pour le coup, une<br />

opération sensible. <strong>Le</strong>s questions les plus délicates se posent s’agissant de la mesure de<br />

la diversité, pour des données qui objectivement peuvent sembler neutres <strong>et</strong> assez<br />

communes, mais qui, en réalité, peuvent révéler l’origine des personnes 127 .<br />

<strong>Le</strong> recueil de renseignements sur la langue maternelle ou paternelle ne va pas de<br />

soi. Ce critère est absent aussi bien de la liste canonique des données sensibles que de<br />

la liste des motifs de discrimination. Et pourtant, il suffit de se reporter au site de<br />

référence du Summer Institute of Linguistic, Ethnologue : languages of the world 128 ,<br />

pour comprendre les liens étroits qui unissent identité <strong>et</strong>hnique <strong>et</strong> identité<br />

linguistique. La CNIL, cependant, après avoir examiné l’enquête Efforts éducatifs des<br />

familles (en abrégé enquête Éducation) réalisée en 1992 par l’INSEE avec le concours de<br />

l’INED, a admis que la correspondance entre les langues <strong>et</strong> les groupes <strong>et</strong>hniques<br />

n’était pas biunivoque : il peut y avoir une même langue pour plusieurs peuples ou<br />

127 Délibération n° 96-105 du 3 décembre 1996 portant recommandation relative à l’utilisation de<br />

fichiers à des fins politiques au regard de la loi du 6 janvier 1978.<br />

128 http://www.<strong>et</strong>hnologue.com.<br />

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