04.10.2014 Views

Inégalités et discriminations - Le Monde

Inégalités et discriminations - Le Monde

Inégalités et discriminations - Le Monde

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

tendus. La contribution écrite adressée au COMEDD par SOS-Racisme manifeste une<br />

double volonté : reconnaître la légitimité du monde de la recherche à étudier en<br />

profondeur les phénomènes de discrimination raciale, veiller cependant à ce que<br />

c<strong>et</strong>te activité soit strictement encadrée <strong>et</strong> ses r<strong>et</strong>ombées sociales soigneusement<br />

évaluées. C’est aussi l’optique du COMEDD. L’idée chemine, par conséquent, que la<br />

statistique, utilisée à bon escient, n’est pas c<strong>et</strong> outil de contrôle <strong>et</strong> d’asservissement<br />

qu’on présente volontiers en s’inspirant de la lecture mal digérée du premier<br />

Foucault, mais un outil d’analyse critique qui oblige l’État <strong>et</strong> les entreprises à rendre des<br />

comptes. La statistique n’est jamais neutre, c’est vrai. On ne compte jamais pour le<br />

plaisir de compter. Certains comptent pour contrôler, d’autres veulent être comptés<br />

pour pouvoir compter, mais face à ces deux usages du chiffre, qui comportent de<br />

dangereuses dérives, il en est un troisième sur lequel tout le monde devrait<br />

s’accorder : s’astreindre à compter pour s’astreindre à rendre des comptes. C’est ainsi<br />

seulement que la lutte contre les <strong>discriminations</strong> <strong>et</strong> les inégalités pourra se déployer<br />

en toute efficacité, aussi bien dans les administrations que dans les entreprises.<br />

Quest-ce quun « référentiel <strong>et</strong>hno-racial » ?<br />

C’est à la CNIL que l’on doit l’introduction dans le débat de la notion de<br />

« référentiel <strong>et</strong>hno-racial » (recommandations de 2007). Plus précisément, il était<br />

question d’un référentiel « national », dont la CNIL expliqua qu’il incombait au Parlement<br />

d’en décider la création en sollicitant l’approbation du Conseil constitutionnel.<br />

Ce dernier, comme on sait, répliqua par la décision du 15 novembre. <strong>Le</strong> second<br />

commentaire aux Cahiers du Conseil constitutionnel évoque précisément « la définition,<br />

a priori, d’un référentiel <strong>et</strong>hno-racial ». C’est suggérer qu’une définition a priori soulève<br />

plus de problèmes qu’une définition a posteriori: il s’agit d’éviter toute procédure<br />

d’auto-déclaration des origines <strong>et</strong>hno-raciales qui consisterait à demander aux personnes<br />

interrogées de se situer dans une nomenclature prédéfinie. Par référentiel, il<br />

faut entendre une nomenclature officielle (pas nécessairement un texte de loi, ni<br />

même un décr<strong>et</strong>), qui fait référence pour l’administration <strong>et</strong> l’action publique.<br />

C’est la thèse défendue devant le COMEDD par le député de Paris Christophe<br />

Caresche, auteur avec la députée George Pau-Langevin de la proposition de loi socialiste<br />

du 16 décembre 2008 visant à lutter contre les <strong>discriminations</strong> liées à l’origine.<br />

Thèse soutenue également par Louis Schweitzer <strong>et</strong> Patrick Weil : si l’un <strong>et</strong> l’autre<br />

rej<strong>et</strong>tent l’usage en France d’un référentiel <strong>et</strong>hno-racial à l’américaine, ils acceptent<br />

que des enquêtes bien protégées puissent poser la question : « Vous sentez-vous perçu<br />

comme noir ? Si oui, avec quelles conséquences sur votre vie ? ». Ces deux propositions<br />

sont compatibles uniquement si l’on donne du référentiel une définition normative à<br />

l’américaine <strong>et</strong> non pas une définition illimitée. Si l’on pose, à l’inverse, que toute<br />

catégorisation est d’emblée un référentiel, on arrive à la conclusion absurde que des<br />

personnalités aussi insoupçonnables que Louis Schweitzer <strong>et</strong> Patrick Weil basculeraient<br />

à leur insu dans une entreprise de « racialisation ». Une définition aussi minimale<br />

du référentiel est en réalité trop maximaliste pour faire sens.<br />

169

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!