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Inégalités et discriminations - Le Monde

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possible de la proposer un jour dans un autre contexte. <strong>Le</strong>s membres du COMEDD sont<br />

largement favorables à c<strong>et</strong>te mesure.<br />

2 - Informer loyalement les enquêtés : une obligation parfois difficile à m<strong>et</strong>tre<br />

en œuvre (exemples des testings <strong>et</strong> de l’Échantillon démographique permanent)<br />

<strong>Le</strong> principe de loyauté est rarement défini (Héran 2006a : 123-124). Il s’agit d’abord<br />

d’informer les personnes concernées de l’existence du traitement dont elles sont<br />

l’obj<strong>et</strong>. Il convient ensuite de leur annoncer l’objectif du traitement <strong>et</strong> de s’y tenir.<br />

Enfin, il est hors de question de circonvenir les personnes en leur faisant miroiter les<br />

bienfaits qu’elles pourraient r<strong>et</strong>irer de l’enquête à titre individuel alors que le seul<br />

bienfait envisageable au mieux est d’ordre collectif — un point important quand on<br />

se prévaut d’un objectif a priori positif comme la lutte contre les <strong>discriminations</strong>.<br />

Mais le respect du principe de loyauté peut soulever des problèmes pratiques<br />

redoutables.<br />

En premier lieu, les enquêtes contreviennent à ce principe si elles utilisent la<br />

technique du questionnement par coq-à-l’âne qui est souvent de rigueur dans les<br />

tests psychosociaux ou les enquêtes omnibus des instituts de sondage. Surprendre la<br />

personne interrogée par des questions inattendues visant à tester ses réactions est difficilement<br />

compatible avec le principe de loyauté. <strong>Le</strong>s questionnaires de la statistique publique<br />

s’en abstiennent sciemment : les personnes interrogées sont informées par l<strong>et</strong>tre-avis ;<br />

le plan du questionnaire doit rester lisible, de façon à ce que l’enquêté ne perde pas le<br />

fil directeur de l’entr<strong>et</strong>ien. <strong>Le</strong> principe de loyauté rejoint la théorie de l’accountability<br />

du répondant soutenue par l’école « <strong>et</strong>hnométhodologique » américaine : le<br />

répondant n’est pas traité comme un suj<strong>et</strong> clinique à tester mais comme un informateur<br />

de confiance, qu’on juge a priori capable de « rendre compte » de sa propre<br />

situation (Coulon, Héran ibid.).<br />

<strong>Le</strong> test de situation (ou testing) pose à c<strong>et</strong> égard un problème particulier puisqu’il<br />

consiste, par construction, à leurrer la personne interrogée par un simulacre, comme<br />

par exemple un faux curriculum vitæ. Comment avertir loyalement les personnes<br />

soumises au test (employeurs, médecins, bailleurs…) sans ruiner le principe même<br />

du testing ? S’agissant des testings réalisés à des fins de connaissance statistique <strong>et</strong><br />

non à des fins judiciaires, il conviendrait d’entériner dans les textes la possibilité<br />

d’une dérogation au principe de loyauté, à condition que la publication n’aboutisse<br />

pas à viser nommément des contrevenants, sous peine de mélanger les genres.<br />

Dans la sphère judiciaire, la Cour de cassation, dans un arrêt très remarqué, a<br />

admis la possibilité de débattre de la valeur probante du testing dans une action en<br />

justice 62 . Alors que la Cour d’appel avait écarté l’usage du testing en raison de son<br />

caractère déloyal, la Cour de cassation a considéré qu’un instrument n’est pas déloyal<br />

s’il se borne à constater une infraction sans la provoquer. Elle rappelle cependant<br />

que le testing peut faire l’obj<strong>et</strong> d’un usage déloyal s’il n’a pas été précédé d’une<br />

infraction, mais que, même dans ce cas, il est possible d’en discuter la valeur<br />

probante dans un prétoire. En revanche, elle exclut que les agents de l’autorité<br />

62<br />

Crim., 12 septembre 2000, n° 99-87251, à l’encontre des responsables d’une discothèque de<br />

Tours qui écartait systématiquement les gens de couleur.<br />

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