Inégalités et discriminations - Le Monde
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préalable sur le terrain. <strong>Le</strong>s rédacteurs de questionnaires expérimentés partagent ces<br />
préoccupations. Il va sans dire que ces études supposent toujours le respect des<br />
obligations légales de confidentialité <strong>et</strong> d’anonymat. L’oubli des origines n’est pas un<br />
principe absolu, pas plus que le devoir des chercheurs d’étudier le passé pour<br />
éclairer le présent : ce sont deux exigences à équilibrer. <strong>Le</strong>s instances de contrôle que<br />
sont le CNIS <strong>et</strong> la CNIL jouent à c<strong>et</strong> égard un rôle décisif <strong>et</strong> l’on peut dire que les<br />
producteurs de données se plient au jeu.<br />
Huit « données sensibles » pour dix-huit « motifs de discrimination »<br />
On remarquera que la liste des huit « données sensibles » énumérées par la loi<br />
Informatique <strong>et</strong> libertés ne couvre qu’une partie des dix-huit motifs de discrimination<br />
mentionnés à l’article 225-1 du Code pénal :<br />
- <strong>Le</strong> handicap n’est pas explicitement mentionné dans la loi Informatique <strong>et</strong><br />
libertés ; il se rattache à l’état de santé, mais en partie seulement, puisque<br />
certains handicaps résultent davantage du comportement de la société<br />
envers l’intéressé que d’un problème de déficience fonctionnelle ou<br />
d’incapacité : ils peuvent relever par exemple d’un comportement<br />
discriminatoire sur l’apparence physique.<br />
- Malgré une proposition en ce sens du rapport Braibant, les caractéristiques<br />
génétiques <strong>et</strong> autres signatures biologiques de l’identité sont absentes de la<br />
liste des données sensibles. Elles relèvent cependant des recherches<br />
biomédicales 47 . Une interférence est possible avec la question des origines<br />
<strong>et</strong>hniques car l’usage des bio-marqueurs pour identifier les origines <strong>et</strong>hniques sur<br />
un mode probabiliste est en train de se répandre sur le marché de la<br />
consultation génétique, ainsi que dans les recherches américaines <strong>et</strong><br />
européennes qui relient les questions de santé aux questions sociales, y<br />
compris les enquêtes auprès des ménages. La France échappera<br />
difficilement à ce mouvement de grande ampleur. Viendra le moment où la<br />
CNIL devra se prononcer sur la question.<br />
- Un flottement demeure sur l’apparence physique, citée comme motif possible<br />
de discrimination dans le Code pénal mais pas dans la loi Informatique <strong>et</strong><br />
libertés. Il semble aller de soi que l’apparence physique devient une donnée<br />
sensible si elle renvoie aux « origines raciales », à l’existence d’un handicap<br />
ou aux cas de transsexualité. <strong>Le</strong> risque est moindre si l’apparence physique<br />
se résume à des données telles que la taille <strong>et</strong> le poids (encore que ces<br />
critères puissent communiquer dans certains cas avec les questions de santé<br />
ou de handicap).<br />
47 Aux termes des deux déclarations internationales qui font référence en matière d’éthique de la<br />
recherche, le Code de Nuremberg (1947) <strong>et</strong> la déclaration d’Helsinki (1964), un critère majeur du<br />
risque impliqué par la recherche scientifique est le degré auquel elles touchent aux corps des<br />
personnes <strong>et</strong> à leur individualité. Dans c<strong>et</strong>te échelle, le prélèvement d’ADN représente une atteinte à<br />
haut risque. Longtemps étrangère à ces considérations, la définition légale du caractère « sensible » des<br />
données en tient compte depuis une modification de la loi de 1978 survenue en 1994.<br />
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