Inégalités et discriminations - Le Monde
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Un exemple rare de référentiel <strong>et</strong>hno-racial officiel : le Conseil supérieur de laudiovisuel<br />
(CSA)<br />
Il convient d’évoquer enfin le cas particulier du Conseil supérieur de l’audiovisuel<br />
qui a validé une nomenclature de catégories <strong>et</strong>hno-raciales communes perm<strong>et</strong>tant<br />
de comparer des fréquences sans se préoccuper des chiffres absolus.<br />
La loi pour l’égalité des chances du 31 mars 2006 (art. 3.1) a confié au Conseil<br />
supérieur de l’audiovisuel la mission de veiller à ce que la programmation des<br />
chaînes de télévision « reflète la diversité de la société française ». La loi du 5 mars 2009<br />
lui a également demandé de fournir un rapport annuel sur les progrès observés dans<br />
ce domaine. Pour remplir c<strong>et</strong>te double mission, le CSA a constitué en son sein un<br />
Observatoire de la diversité présidé par Rachid Arhab, qui a commandité une étude<br />
sur la fréquence des « marqueurs <strong>et</strong>hno-raciaux », des catégories socioprofessionnelles<br />
<strong>et</strong> des genres (masculin/féminin) parmi les présentateurs, les animateurs <strong>et</strong> les<br />
personnages de fiction, distingués selon qu’ils prennent ou non la parole, qu’il s’agit<br />
de premiers ou de seconds rôles <strong>et</strong> qu’on a affaire à des réalisations françaises ou<br />
étrangères. <strong>Le</strong>s personnes concernées sont classées en « vues comme noires », « vues<br />
comme arabes », « vues comme asiatiques », « vues comme blanches », correspondant à ce<br />
que l’on suppose être les « catégories de perception opérantes » des téléspectateurs<br />
ordinaires. Au témoignage du président du comité, ce passage par le « ressenti »<br />
aurait permis d’éviter toute polémique <strong>et</strong> de réunir le consensus recherché (R. Arhab,<br />
CSA, 2/47).<br />
La classification ouvertement <strong>et</strong>hno-raciale du CSA est une classification perçue.<br />
Comment réduire le malaise qu’elle suscite ? <strong>Le</strong> premier mouvement est d’expliquer<br />
que la vie réelle n’est pas en cause : il n’y a aucune chance que les personnages<br />
quittent l’écran pour rejoindre notre vie quotidienne <strong>et</strong> y transférer leur classification<br />
<strong>et</strong>hno-raciale. Pourtant, quand bien même les personnages sont de fiction, les acteurs<br />
qui les jouent sont réels ; ils ont signé de vrais contrats de travail. Ils ont été recrutés<br />
parce qu’ils avaient la « tête de l’emploi ». Si ce sont des journalistes, il a bien fallu les<br />
recruter en les choisissant parmi d’autres candidats.<br />
L’Observatoire atténue l’audace de son geste en soulignant d’abord que la<br />
référence à la notion de « diversité » n’impose pas d’adhérer à la théorie du « refl<strong>et</strong> »<br />
(la télévision n’a pas vocation à refléter fidèlement l’éventail des phénotypes dans la<br />
population de la France) <strong>et</strong>, en second lieu, que ses statistiques se contentent de<br />
comparer des fréquences d’une catégorie de perception à l’autre sans s’intéresser aux<br />
chiffres absolus : « ce qui est intéressant, ce sont les décalages plus que les chiffres euxmêmes<br />
dans leur valeur absolue » (R. Arhab, CSA, 2/53). <strong>Le</strong>s chiffes absolus sont certes<br />
nécessaires pour calculer des chiffres relatifs mais ils ne sont qu’un moyen au service<br />
d’une fin plus intéressante qui est la connaissance des structures <strong>et</strong> des distorsions 125 .<br />
125 Pour un usage comparable de la statistique dans un domaine analogue, voir « L’Image des<br />
femmes dans les médias », rapport de M mes Michèle Reiser <strong>et</strong> Brigitte Grésy (La Documentation<br />
française, septembre 2008). Il ne s’agit pas seulement de compter le nombre de femmes qui<br />
apparaissent à l’écran (elles sont nombreuses) mais de quantifier le traitement réservé à chaque sexe :<br />
temps de parole, fréquence des rôles subalternes, fréquence à laquelle on est appelé par son seul<br />
prénom, <strong>et</strong>c.<br />
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