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Inégalités et discriminations - Le Monde

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surgissent d’autres inégalités, corrélées de façon significative avec des origines<br />

étrangères ou des apparences physiques. <strong>Le</strong> jeu a donc été faussé ; il s’agit de savoir à<br />

quel niveau <strong>et</strong> dans quelles proportions.<br />

Quelques remarques s’imposent à ce stade.<br />

D’abord, aucun des trois modèles ne postule une égalité individuelle de résultats, qui<br />

supplanterait l’égalité des chances. <strong>Le</strong> modèle méritocratique, idéalement exempt de<br />

toute reproduction sociale <strong>et</strong> de toute reproduction <strong>et</strong>hnique, est le seul qui égalise<br />

les résultats, mais il le fait au niveau des groupes, pas au niveau individuel. Par un<br />

paradoxe qui n’est qu’apparent, l’égalité de résultats entre les groupes (groupes sociaux<br />

ou groupes <strong>et</strong>hniques) signifie, en eff<strong>et</strong>, que les groupes ne comptent plus dans l’accès aux<br />

biens : subsistent seulement les disparités de résultats explicables par les capacités <strong>et</strong><br />

les mérites des individus.<br />

Ensuite, où faut-il ranger dans ce schéma une société pratiquant une politique<br />

correctrice d’« action positive » (traduction européenne de l’affirmative action américaine)<br />

en faveur de certaines catégories de personnes à protéger ? La réponse est<br />

claire : l’objectif d’une telle politique est de s’éloigner du modèle discriminatoire en<br />

inversant ses eff<strong>et</strong>s au cours du temps, de façon à se rapprocher d’une combinaison des<br />

deux autres modèles — naissance <strong>et</strong> mérite — qui se rapproche au plus près du<br />

modèle méritocratique. Car il est difficilement concevable qu’une politique d’action<br />

positive se fixe pour objectif de réduire les <strong>discriminations</strong> <strong>et</strong>hno-raciales sans s’attaquer<br />

aussi aux conséquences des inégalités sociales. L’action positive ne peut viser<br />

qu’une réduction simultanée des inégalités sociales <strong>et</strong> des <strong>discriminations</strong> <strong>et</strong>hno-raciales.<br />

Ce raisonnement statistique est très éloigné de celui que développent certains<br />

juristes quand ils jugent la discrimination positive indiscernable de la discrimination<br />

négative. Selon eux, il serait impossible de distinguer a priori une « préférence<br />

<strong>et</strong>hnique bienveillante » d’une « préférence <strong>et</strong>hnique hostile ». Mais au vu d’une<br />

évaluation statistique bien conduite, le doute n’est plus permis : on discrimine moins<br />

quand les <strong>discriminations</strong> reculent, on discrimine plus quand elles progressent. Une<br />

action correctrice est positive si, au cours du temps, elle réduit l’impact des <strong>discriminations</strong><br />

selon l’origine au lieu de l’accroître. Il n’y a pas d’ambiguïté possible sur le<br />

signe positif ou négatif de l’évolution. C’est cela qu’une statistique de suivi <strong>et</strong> de<br />

contrôle doit pouvoir mesurer en définitive.<br />

En troisième lieu, un des aspects les plus délicats de la question est le fait que les<br />

privilèges de la naissance peuvent tromper leur monde en revêtant les apparences du<br />

mérite, notamment à l’école (comme le montre le cas extrême des grandes écoles). Ce<br />

phénomène est parfois imputé aux <strong>discriminations</strong> <strong>et</strong>hniques par les élèves en<br />

situation d’échec. L’analyse statistique doit tenter de démêler ces deux eff<strong>et</strong>s, qui<br />

sont à la fois indépendants <strong>et</strong> cumulables.<br />

Pour toutes ces raisons, le seul moyen d’en avoir le cœur n<strong>et</strong> est de recourir à<br />

l’outil statistique pour mesurer le poids respectif des origines sociales <strong>et</strong> des origines<br />

étrangères ou ultramarines (ou le poids des apparences associées à ces origines) dans<br />

les chances d’accès aux biens de toute sorte. Encore faut-il, pour ce faire, être capable<br />

de caractériser ces origines <strong>et</strong> ces apparences. La question de savoir s’il faut recourir à<br />

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