Inégalités et discriminations - Le Monde
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suj<strong>et</strong>s de l’Empire ? La fiabilité des déclarations obtenues à ce suj<strong>et</strong> reste<br />
douteuse.<br />
On pourrait penser qu’une information sur la langue maternelle perm<strong>et</strong>trait de<br />
distinguer les descendants de rapatriés des descendants d’immigrés. Mais<br />
l’enquête FQP, qui contient l’information, montre qu’un nombre important de<br />
descendants d’immigrés déclarent le français comme langue maternelle, même si<br />
leurs parents leur parlaient une autre langue dans l’enfance. L’enquête MGIS<br />
réalisée en 1992 fournissait déjà des éléments sur la langue maternelle des<br />
descendants d’immigrés algériens, portugais <strong>et</strong> espagnols (Simon 1995). Rares<br />
étaient les jeunes d’origine immigrée qui citaient la langue des parents comme<br />
seule langue maternelle : 13 % seulement des jeunes d'origine algérienne, 27 % des<br />
jeunes d’origine portugaise <strong>et</strong> 34 % pour ceux d’origine espagnole. Dans plus de la<br />
moitié des cas, les descendants d’Algériens déclarent le français comme langue<br />
maternelle, contrairement aux jeunes d'ascendance portugaise ou espagnole, qui<br />
désignent deux fois sur trois la langue des parents. Quant aux enfants de couple<br />
mixte, ils ne citent que le français comme langue maternelle. L’enquête FQP<br />
confirme que le français est la langue maternelle la plus déclarée chez les descendants<br />
d’immigrés : seuls 20 % des descendants nés en France d’immigrés du<br />
Maghreb déclarent l’arabe ou le berbère en langue maternelle.<br />
On le sait par ailleurs, la confusion dans la même catégorie des descendants de<br />
Français <strong>et</strong> des descendants d’immigrés issus des anciennes colonies françaises<br />
brouille fortement l’analyse des trajectoires sociales 37 . Si les familles de rapatriés<br />
ont pu se heurter à l’ostracisme des métropolitains dans leurs contacts sociaux, à<br />
l’école ou sur le marché du travail, notamment dans les premières années qui ont<br />
suivi le rapatriement, les données disponibles sur leurs trajectoires socio-économiques<br />
attestent la rapidité du rattrapage : leur situation actuelle est désormais<br />
proche de celle des Français nés en métropole. <strong>Le</strong>s fonctionnaires rapatriés,<br />
notamment, ont bénéficié de mesures de reclassement <strong>et</strong> ont pu conserver leur<br />
statut, au point qu’on observe aujourd’hui dans la fonction publique en métropole<br />
une surreprésentation des descendants de Français de l’étranger. Pour qui veut<br />
analyser sérieusement les facteurs d’insertion ou de discrimination des divers<br />
groupes en présence, il ne saurait être question de miser uniquement sur le pays de<br />
naissance des parents.<br />
<strong>Le</strong>s concepteurs de l’enquête Trajectoires <strong>et</strong> origines se sont attaqués au<br />
problème que pose la déclaration de la nationalité à la naissance des parents dans<br />
l’ancien empire colonial. Quelle dénominations peut-on proposer qui fassent sens<br />
pour tout le monde <strong>et</strong> qui couvrent tous les statuts en cours dans les colonies ? On<br />
songe à : « vos parents étaient-ils Français d’Algérie, Français du Maroc, <strong>et</strong>c. », ou<br />
encore : « vos parents étaient-ils immigrés ou rapatriés ? ». Faute de pouvoir proposer<br />
une partition simple <strong>et</strong> parlante pour l’ensemble des personnes concernées, ils ont<br />
opté pour une question-filtre adressée à toutes les personnes ayant déclaré qu’au<br />
moins un de leurs parents était né français dans un pays anciennement sous<br />
37 Un point soulevé de longue date par Michèle Tribalat, chercheuse à l’INED.<br />
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