Inégalités et discriminations - Le Monde
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partie seulement ? Ou selon que le conjoint est lui-même issu de migrants ou non ?<br />
L’intérêt d’une telle analyse est de faire la part des diverses composantes de l’origine,<br />
par exemple maternelle <strong>et</strong> paternelle, qui peuvent agir dans des sens opposés<br />
ou convergents.<br />
Il vaut la peine d’être noté que des variables signalant la perception par autrui,<br />
telle une classification <strong>et</strong>hno-raciale prêtée au discriminateur, sont justiciables<br />
techniquement du même type de calcul, sans qu’il soit nécessaire de dénombrer les<br />
effectifs de chaque catégorie : dans ce cas, les catégories utilisées peuvent être<br />
<strong>et</strong>hno-racial mais il n’y a pas, selon la formule consacrée, de « comptage <strong>et</strong>hnoracial<br />
». Ce qui est mesuré <strong>et</strong> publié, c’est l’intensité relative du risque de discrimination<br />
pour telle ou telle catégorie. La question de savoir si les catégories <strong>et</strong>hnoraciales<br />
peuvent figurer à titre dérogatoire dans une analyse statistique est une<br />
autre question qui sera traitée ailleurs. Ce qui importe à ce stade, c’est de réitérer<br />
que l’existence d’origines mixtes ou métissées ne fait nullement obstacle au<br />
traitement statistique.<br />
Métissage ou blanchiment ?<br />
Qu’on nous perm<strong>et</strong>te ici une ultime remarque sur un suj<strong>et</strong> que les anthropologues<br />
<strong>et</strong> les <strong>et</strong>hno-historiens ont abondamment étudié. Dans les développements<br />
qui précèdent, la supposition optimiste a été faite que la notion de métissage, telle<br />
qu’elle est désormais largement utilisée en France par le monde politique <strong>et</strong><br />
associatif, traite à égalité les diverses composantes appelées à se mélanger. <strong>Le</strong>s<br />
choses sont loin d’être aussi simples, que ce soit à l’étranger ou en France.<br />
Historiquement, la notion de métissage a plutôt été mise au service d’une idéologie<br />
raciste ou d’une idéologie du blanchiment.<br />
- Aux États-Unis, où il fut une catégorie officielle du recensement dans<br />
l’entre-deux guerres, le métissage (ou miscigenation, terme pseudo-savant<br />
extrêmement péjoratif, aujourd’hui décrié) était perçu comme une menace<br />
pour la pur<strong>et</strong>é <strong>et</strong> la vigueur de la race blanche ; la disparition ultérieure<br />
de la catégorie signifie en réalité que les métis ont été rej<strong>et</strong>és du côté<br />
sombre de la color line, ce qui reste le comportement dominant<br />
aujourd’hui. <strong>Le</strong> mouvement des associations d’enfants de couples mixtes<br />
qui avait milité pour que le questionnaire du recensement de 2000 intègre<br />
dans sa question raciale des catégories mixtes a finalement échoué : les<br />
lobbies afro-américains, qui craignaient de voir les effectifs de leurs<br />
mandants être entamés par la réémergence d’une catégorie de métis, ont<br />
obtenu que l’innovation soit réduite à la possibilité de cocher plusieurs<br />
réponses <strong>et</strong> que le référentiel utilisé par l’administration reverse les métis<br />
dans les minorités de couleur.<br />
- Dans l’Empire colonial français, <strong>et</strong> particulièrement en Indochine, comme<br />
l’a montré Emmanuelle Saada (2007), on considérait tout au contraire que<br />
les métis (essentiellement nés de père français <strong>et</strong> de mère indochinoise),<br />
en raison du sang français qui coulait dans leurs veines, méritaient d’être<br />
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