DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

118 ANDRÉ BRUYNEEL
e) La réciprocité des torts, elle-même, constituera en fait
un important élément d'appréciation. Sans doute la réciprocité
des fautes n'est-elle pas une fin de non-recevoir qui permettrait
de repousser la demande d'un époux, lui-même coupable; mais
dans l'évaluation du caractère de gravité des excès, sévices et
injures, le juge n'envisagera évidemment jamais ces faits en
eux-mêmes, sans les replacer dans tout le contexte de la vie
commune. Si dans cette vie commune on découvre d'autres
fautes, une atmosphère alourdie par la conduite de l'époux
demandeur, ou tout simplement des provocations caractérisées,
la décision du juge en tiendra compte, équitablement. Le droit
belge et le droit anglais concordent sur ce point.
3. Le véritable critère
Cette description du mécanisme de l'article 231 ne semble
pas mener à une conclusion très différente de celle de notre
examen du droit anglais. Nous avions dit à ce moment que le
critère de pur bon sens de la cruelty gisait dans cette idée de
loterie du mariage; ce qui peut être raisonnablement attendu,
les inévitables déceptions et problèmes, ne doivent pas
emporter divorce, mais bien ce qui nierait l'association matrimoniale
de façon permanente ou qui l'atteindrait de façon irrémédiable.
Une déclaration faite au cours des travaux préparatoires
du Code civil exprimait déjà : « Ainsi, celui-là des deux
rompt le contrat, qui, au lieu de l'intérêt que la nature inspire
à chacun pour sa propre conservation, ne manifeste envers la
moitié qu'il s'est associée que des sentiments destructeurs, soit
qu'il attente à sa sûreté par des excès, à sa sécurité par des
sévices, ou à son honneur par des injures graves» C 9
).
Techniquement parlant, on peut cependant admettre que
le test d'atteinte à la santé oblige le juge anglais à des cheminements
intellectuels plus compliqués, dans bien des cas où notre
conception de l'injure grave emporte le même résultat, directement.
(19) GILLET au Conseil d'Etat: LocRÉ, Législation de la France,
V, p. 383, nO 7.