DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

LE SYMBOLE DANS LA POÉSIE DE VERHAEREN 445
Jadis - c'était la vie errante et somnambule,
A travers les matins et les soirs fabuleux,
Quand la droite de Dieu, vers les Chanaans bleus,
Traçait la route en or, au fond des crépuscules.
Voici - c'est un amas de fcux qui se démènent
Où des sages, ligués cn un effort géant,
Précipitent les Dieux pour changer le néant
Vers où tendra l'élan de la science humaine.
Là-haut - parmi les loins sereins et harmoniques,
Un double escalier d'or suspend ses degrés bleus,
Le rêve et le savoir le gravissent tous deux,
Séparément partis vers un palier unique (11).
La campagne se meurt, la vie ancienne est périmée. Le
poète renie tout un passé, dont. il se repent. Ne pas s'adonner à
la fausse sagesse, aux sciences illusoires qu'enseigne l'habitude.
A la facilité trompeuse. Mais lutter, aimer, connaître, et
vivre, vivre, vivre!
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Stefan Zweig, dans un passage de son étude consacrée à
Verhaeren, refuse d'accorder au poète le qualificatif de symboliste
(12); mais il se contredit bientôt en admettant que « le
rouge évoque en lui tout ce qui est passioné; l'or, ce qui est
grand et solennel; le blanc, ce qui est doux; le noir, ce qui est
hostile » (13). Retenons en premier lieu l'opposition de l'or et
du noir.
Les réalités qui se rattachent au « noir» sont: la mort, la
stérilité, la moisissure et par conséquent l'immobilité, la
misère. Ces acceptions relèvent apparemment du sens commun;
ou bien elles nous sont à ce point familières que volontiers
nous les regardons comme naturelles, attendu qu'elles
furent de tout temps ancrées dans notre conscience, archétypes
légués par une longue tradition spirituelle. Nous avons coutume
de signaler la mort par des habits de deuil - lequel mot
(11) Les Cordiers (Villages illusoires).
(12) Stefan ZWEIG, Op. cif., p. 194.
(13) Ibid., p. 209.