DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

132 SIMONE VERDIN
plus loin. Mallarmé pourtant nomme Dante par trois fois : dans
Contre un poète parisien, dans un Sonnet datant de 1862 ou
1863 et dans Réminiscence CS). Le professeur Mondor n'a su
dire quelle édition Mallarmé possédait de la Divine Comédie,
mais comme, d'autre part, il nous révèle que le jeune poète
avait une prédilection pour la collection Charpentier C9), c'est
à la traduction de Brizeux, parue en 1841 et encore en 1853 dans
cette collection, que nous prendrons les citations. Par critique
interne il serait sans doute possible d'établir exactement dans
quelle édition Mallarmé a lu et probablement relu la Divine
Comédie; un premier examen des traductions de A.-F. Artaud
de Montor, Pier-Angelo Florentino, E. Aroux et L. Ratisbonne
CO) n'entame pas la vraisemblance de l'hypothèse faite
ici (31). Une lettre de Cazalis à Mallarmé confirme, au moins,
que les deux amis connaissaient bien Dante avant 1865. Cazalis,
parlant des amours de Lefébure, se borne à dire allusivement :
« Enlacés comme Paolo et Francia, ils lisaient dans Vita trislis
C2 ) ••• »
Pour Mallarmé, regarder en Voyant est l'acte poétique par
excellence (Toast, Cantique de saint Jean, le Faune, dont l'œil
darde chaque encolure immortelle, Ouverture ancienne, Alternative);
pour Dante « l'état de béatitude se fonde sur l'action
de voir, non sur celle d'aimer qui vient en second)) (Paradis,
XXVIII) .
La première Prose où la sœur, abdiquant son extase
Ne porta ses regards plus loin
Que moi-même ...
(28) O.C., respectivement aux pages 21, 22 et 278.
eV) Histoire d'un Faune, Paris, Gallimard, 1948, pp. 24 et suiv.
(80) Publiées respectivement en 1849, 1853, 1856 et 1860.
(31) La traduction de Brizeux porte long désir (Paradis, chant VI,
tercet 17); longs désirs (chant XXIII, tercet 13). Seul P.-A. Florentino
traduit de même; en revanche, il orthographie Beatrix, alors que Brizeux
écrit Béatrice, comme Mallarmé dans sa lettre à Lefébure. De plus Florentino
dit très rarement dame (avec la minuscule) ou madame, préférant
« la femme de ton cœur », alors que Brizeux recourt toujours à Dame,
nom que Mallarmé donne à la Muse dans Le Mystère dans les Lettres,
O.C., p. 383 : « notre Dame ou Patronne ». Il faudrait encore tenir compte
des traductions de V. de Saint-Mauris (1853), Sébastien Rhéal (1854),
Mesnard (1857), J. A. de Mongis (1857) et peut-être de F. Lamennais
(1863).
(82) Lettre de 1865, cf. H. MONDOR, E. Lefébure, Paris, Gallimard,
1951, p. 202.