DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

378 MARIE DELCOURT
déplore l'ordonnance de 1598 qui interdisait le commerce avec
les rebelles et qui avait vivement mécontenté les Anversois.
L'interdiction fut levée en 1603 et remplacée par un nouveau
système de licences à tarif élevé. Comme More et bien mieux
qu'Erasme, Lipse voyait avec réalisme les incidences économiques
d'une politique religieuse. Et il savait, en deux phrases,
en dire long.
Détail inattendu: cet éditeur de Tacite lisait les gazettes.
MM. Gerlo et Vervliet ont eu l'étonnement de trouver ce mot,
bien avant la première apparition signalée par Littré, dans une
lettre de 1602 où Li pse dit qu' « il s'est ri à pleine gorge du
Magnifique Van Hove pour les gazettes ». Ce riche marchand
hésitait à s'y abonner. Lipse annonce qu'il paiera 14 florins
pour un abonnement, semble-t-il, partagé. « C'est un passetemps
de lecture, que je me laisserai coûter cela» (L. 150). Il
les envoie à Moretus et en reçoit de lui (LL. 154, 155, 157, 159,
163, 177). « Hovius oublie de m'envoyer les gazettes. Jà trois
semaines que je ne les ai vues» (L. 187). Il faudra donc, disent
les éditeurs, revoir l'opinion généralement admise d'après
laquelle Abraham Verhoeven d'Anvers serait premier en date
des gazetiers d'Europe, alors que le privilège pour les Nieuwe
Tijdingen est de 1605. Bien des problèmes devront être repris
à la lumière de cette publication capitale C).
Les époux Moretus-Plantin perdirent en 1602 leur plus
jeune fille, Adriana, âgée de 16 ans. Lipse écrit au père une
lettre en latin (n° 136) criblée d'antithèses et de pointes, dans
le meilleur style brillant, cassant, de ses épîtres d'apparat. A
Martine il s'adresse en flamand; il fait appel à ses sentiments
religieux et aussi à cette Standvastichheyt inscrite. dans la
devise des Plantin. Tout cela est encore assez empesé; mais voilà
que dans un dernier paragraphe Lipse transmet à Martine les
remerciements de sa femme pour des tourtpannen reçues en
cadeau. Ces tourtières ont le parfum même de la maison de la
Kammerstraat ...
L'autre lettre néerlandaise (n° 211) est du 23 mars 1606.
Moretus, sachant Lipse au plus mal - il mourut ce jour-là -
(f) Voir l'étude récente d'Antoine Seyl sur les Fugger-Zeitungen
d'Augsbourg (1568-1605) dans Chronique graphique, nO 211, avril 1968,
pp. 1393-1400.