DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

58 MARCEL SIMON
Jam nullus superest timor.
Nil ultra jacet inferos (29) .
Sa propre mort ne fait en quelque sorte que couronner
l'œuvre de rédemption, et c'est dans un chant de triomphe que
s'achève son supplice sur le bûcher :
Agnosco, agnosco, victum est chaos (30).
Les résonances chrétiennes de ces vers ont été maintes
fois soulignées. Elles sont d'autant plus remarquables qu'il n'y
a eu d'influence ni dans un sens, ni dans l'autre: personne ne
croit plus aujourd'hui à la prétendue correspondance de
Sénèque et de saint Paul; Sénèque n'a pas plus connu l'Evangile
ou les Epîtres que saint Paul n'a connu l'Hercule sur l'Oeta.
Ces saisissantes convergences ont incontestablement contribué
à la fortune ultérieure d'Hercule, en faisant de lui une
sorte de réplique païenne du Christ. Je ne puis suivre ici pas
à pas les développements de cette héracléologie, qui sert de
point d'appui doctrinal au culte du héros. Elle s'épanouit à
l'époque du Bas-Empire, sous la Tétrarchie et surtout sous
Julien l'Apostat. Ce n'est sans doute pas par hasard que Dioclétien,
soucieux d'asseoir sur de solides assises religieuses le
régime politique qu'il instaurait, s'est placé sous le patronage
de Jupiter, tandis qu'il donnait Hercule pour patron à son
associé Maximien. Le choix de Jupiter est normal : le dieu
suprême protège l'empereur suprême. Celui d'Hercule, retenu
parmi une foule d'autres dieux possibles, marque une étape
capitale dans la carrière du héros. L'association des deux divinités,
dont l'une est fils de l'autre, apparaît comme une
réplique, qui n'est sans doute pas fortuite, au groupe Père-Fils
de la théologie chrétienne. M. Mattingly a formulé l'hypothèse,
plus ingénieuse que convaincante, que Dioclétien aurait, en
mettant sur pied le groupe Jupiter-Hercule, espéré rallier les
chrétiens: il leur aurait proposé une sorte d'équivalence, dans
une perspective syncrétiste, de leur propre théologie (31). Sous
cette forme, l'idée ne me paraît pas recevable. Je suis persuadé
(29) Herc. Oet., 889 55.
(30) Herc. Oet., 1947.
el) H. MATTINGLY, Jovius and Herculius (Harvard Theological
Review, 1952, pp. 131 et 5uiv.).