DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

La révolution libérale de Piero Gobetti
par Pierre VAN BEVER,
Professeur extraordinaire à l'Université de Bruxelles
Tant que nous n'aurons pas compris que le fascisme,
comme le racisme, est une maladie interne de nos sociétés,
nous serons désarmés contre lui et, loin de pouvoir Ïui barrer
la route, nous ne saurons même pas le reconnaître alors même
qu'il croîtra en force et en folie près de nous.
L'analyse de la naissance du fascisme italien est loin d'être
terminée. Les plus habiles parmi ceux qui vécurent le fascisme
sans en mourir feignent aujourd'hui de croire que la magie
du verbe du bouffon Benito explique tout.
Charmés par sa jactance, conquis par sa manière de penser
en public (une manière, comme on l'a dit, de ne pas
penser en privé), les Italiens auraient été séduits par les « réalisations»
du régime avant de découvrir ses vices dans la
guerre, les camps et la défaite. Encôre aujourd'hui d'honnêtes
bourgeois s'extasient devant les édifices pseudo-romains qui
miment si malheureusement la grandiloquence et la vulgarité
du tribun auquel ils doivent l'existence.
Si le fascisme pouvait se ramener aux pantalonnades
mussoliniennes ce ne serait vraiment pas la peine d'en parler
ou plutôt il faudrait retrouver la stupéfaction consternée
d'Indro Montanelli C) pour se demander avec lui comment
un peuple aussi sensible et des intellectuels aussi fins que les
Italiens ont pu se laisser tromper pendant tant d'années par
une telle mystification.
Mais la stupéfaction est superflue. Il y eut sans doute une
part de mystification, mais Gobetti l'avait bien vu : le fascisme
e) Dans le Corrieredella Sera, déc. 1966.