DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

LE PROBLÈME DE LA COMMANDE DE L'ENTREPRISE 249
Dans la conduite de l'entreprise contemporaine, et bien
plus que jadis, la recherche d'une règle de conduite demeure
impérative: l'éthique ne concerne plus seulement la relation
avec l'acheteur individuel, mais bien avec l'ensemble d'un
marché souvent anonyme, même s'il est formé de sous-traitants,
et avec celui de ce groupe d'hommes formant le personnel de
l'entreprise; la règle technique ne concerne plus seulement un
savoir-faire spécifique à la matière traitée et à la manipulation
d'outils adéquats, mais elle se fait technologie générale et
concerne un ensemble de machines servies et réglées par une
partie importante de ce personnel d'entreprise. L'homme ne
commande plus seulement à la matière première et à lui-même,
mais à des machines commandant d'autres machines qui traitent
la matière; et à des hommes, nombreux et divers, dont
les éthiques sont variées et souvent en conflit. Pourtant, le chef
d'entreprise doit penser tout cela, doit agir sur tout cela, afin
que cet ensemble dynamique, ce système donc, manifeste une
conduite harmonieuse, intégrée.
L'axe de cette technologie est l'organisation de la commande
de l'entreprise. En effet, le dirigeant qui crée, à partir
ne rien, une entreprise ou un département dans une firme
existante, comme celui qui en prend un en main par suite
d'une promotion ou d'une mutation, se posent très rapidement
le problème de l'organisation de leur tableau des commandes
- ce qu'on a coutume d'appeler celle de leurs délégations et
des pouvoirs en rapport.
Cette organisation, ces délégations, dépendront de la position
éthique du dirigeant - tant en ce qui concerne son
optique sur la façon dont il convient, d'après lui, d'organiser
techniquement et juridiquement une entreprise, que sur sa
conception du maniement adéquat des collaborateurs.
Le chef actuel a donc besoin d'une « pratique» de direction
- pratique au sens un peu prétentieux de praxis des philosophies·
contemporaines: un art de vivre et de commander
choses et hommes. Mais ce qui pouvait encore être un art pour
certains dirigeants de jadis ou de naguère, se fait aujourd'hui
nécessairement philosophie de l'action, c'est-à-dire art pensé,
réfléchi et non plus seulement intuitivement vécu.
Cette philosophie ne s'appuie, à l'heure actuelle, encore
guère sur une science. Pourtant le besoin de celle-ci se fait sen-