DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

262 ANDRÉ POUSSET
server et de faire fructifier. Débordé - pour les raisons techniques
analysées plus haut: complexification et gigantisme
des organisations contemporaines - il délègue à sa direction
générale, par une sorte de contrat implicite, la gestion d'une
partie de ce patrimoine (mission de préservation et de fructification).
En une chaîne de tels contrats successifs, naît ainsi
la ligne de commandement ou ligne hiérarchique. Arrivé à la
base de la pyramide, l'employé ou l'ouvrier dispose d'une parcelle
de ce capital dont il a une relative liberté de gestion. La
cOlnplexité des processus fait naître en même temps la nécessité
de gonfler ce personnel au-delà de cette chaîne de commandement:
ces agents supplémentaires sont greffés sur la
ligne, en position dite de staff. Ils sont cependant juridiquement
irresponsables. Dans l'esprit du droit civil, les personnes
sont individuellement comptables de leurs actes causés à des
tiers; une réaction causale en chaîne linéaire, ne tenant pas
compte des rameaux collatéraux des staffs, est dès lors le seul
modèle éthique et juridique acceptable : un événement, une
décision, une action est toujours l'acte d'un quelqu'un, qui
peut à son tour se considérer comme le jouet d'un autre et
contre lequel il peut se retourner - il n'en demeurera pas
moins responsable de son action éventuellement jugée préjudiciable
à l'égard de l'entreprise. Ces délégations linéaires successives
sont toujours sous la dépendance du chef suprême -
qu'elles soient temporaires, sporadiques, ou relativement figées
par un titre, un grade, une fonction bien définie par une formulation
écrite (organigramme, par exemple).
Ces auteurs expriment donc l'organisation idéale des commandes
en un langage dérivé du droit. Pour eux l'entreprise
privée est assise sur le droit de propriété, et le seul système de
commande concevable dans ce cadre juridique est un système
où la commande se fait, tout comme dans le droit administratif,
par l'exercice de pouvoirs décroissants. La commande
est donc verticale, et est appliquée par la circulation d'un
flux d'ordres descendants; l'ascendant n'est pas considéré
comme de même nature: il est simplement destiné à ajuster
le descendant. Le contrôle des supérieurs par les subordonnrs
n'est pas concevable dans ce modèle - on reconnaît seulement
la nécessité de montrer l'exemple, de « sauver la face)) visà-vis
des échelons subalternes, mais on ne leur reconnaît aucun