DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

CHRISTIANISME ANTIQUE ET PENSÉE PAÏENl'1E
munément la persécution de Domitien (5). Sans doute il n'est
pas établi de façon absolument indubitable que ces victimes,
Acilius Glabrio, Flavius Clemens, aient été des chrétiens. Et
d'autre part le point de vue de l'autorité impériale, qu'elle soit
exercée par un Domitien, « nouveau Néron», ou par un Trajan,
optimus princeps, n'est pas nécessairement identique, en face
du fait chrétien, à celui de l'opinion cultivée. Ce que les empereurs,
effectivement, redoutent surtout de la part de l'Eglise
grandissante, c'est une subversion de l'ordre établi. Leur
hostilité est fondée en politique autant qu'en religion, si tant
est qu'on puisse, dans la cité antique et l'Empire romain, dissocier
les deux. Ce qui les inquiète, c'est que le christianisme
se situe lui-même, délibérément, en marge, parce qu'il refuse
de se plier aux gestes normaux du loyalisme civique et dynastique,
qui se trouvent être des gestes religieux, au moins dans
leur principe. A cet égard les chrétiens, qui se dérobent aux
rites du culte impérial, même lorsqu'il n'y a là guère plus
qu'une formalité, apparaissent bien à l'autorité romaine
comme des novateurs et des révolutionnaires.
Mais le même grief se retrouve sous la plume des intellectuels,
et il serait hasardeux de mettre cette similitude au compte
de la flagornerie et de l'esprit courtisan. Ce serait méconnaître
la force du conservatisme et du traditionalisme, non seulement
dans les milieux politiquement dirigeants et socialement privilégiés,
mais aussi parmi l'élite cultivée. Le mos majorum
pèse d'un poids très lourd dans toutes les démarches de la
pensée antique. Car on y voit non seulement le lien et le fondement
de la société, mais un capital de sagesse accumulé au
cours des siècles. C'est Justin, cette fois, qui reproche avec
amertume à ses interlocuteurs de donner le pas à la tradition
sur la vérité, 't"Œ ëe"f\ 7tpO 't"1i