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DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

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440 JEAN TERRASSE<br />

Le « moi» <strong>de</strong>vient omniprésent - mais non retranché du<br />

contexte sensible par lequel il est, au contraire, valorisé. Des<br />

éléments du mon<strong>de</strong> extérieur prennent figure <strong>de</strong> symboles et<br />

entretiennent même, dans le cas présent, la tristesse du poète.<br />

Le danger <strong>de</strong> cette démarche serait <strong>de</strong> favoriser, en poésie, la<br />

vérité (ou la sincérité) aux dépens <strong>de</strong> la beauté: Verhaeren,<br />

Mallarmé y ont très heureusement échappé.<br />

Il faut aussi éviter que le symbolisme ne se transforme<br />

en une manière <strong>de</strong> co<strong>de</strong> ésotérique dont le poète détiendrait<br />

seul la clé. Le symbole doit s'universaliser, sa signification être<br />

accessible au lecteur. Alors le rapport qui le lie à ce dont il est<br />

la représentation revêt un caractère <strong>de</strong> nécessité qui l'apparente<br />

au mythe. « Chez Freud lui-même », écrit Paul Ricœur, « le<br />

symbole ne désigne pas toute représentation qui vaut pour<br />

autre chose, qui déguise et dissimule, mais seulement ce secteur<br />

<strong>de</strong> représentations oniriques qui dépassent l'histoire individuelle,<br />

l'archéologie privée d'un sujet, et plongent dans le<br />

fond imagier commun à toute une culture, voire dans le folklore<br />

<strong>de</strong> l 'humanité entière C). » Il en va <strong>de</strong> même en poésie.<br />

L'arrière-plan mythique <strong>de</strong>s drames <strong>de</strong> Verhaeren (Hélène <strong>de</strong><br />

Sparte) ne saurait être mis en doute; nous verrons qu'il apparaît<br />

en outre - mais plus discrètement - dans les recueils que<br />

nous nous proposons d'examiner.<br />

A côté du symbole visuel, le symbole auditif est, <strong>de</strong> loin,<br />

le plus évocateur. Par ce qu'elle révèle <strong>de</strong> la personne du<br />

créateur - <strong>de</strong> son état psychique - la musique est, entre tous<br />

les arts, le seul rigoureusement subjectif; elle est pure expression<br />

<strong>de</strong> l'âme; il n'est pas question, pour elle, <strong>de</strong> copier la réalité:<br />

elle en est tout à fait incapable. Notons en passant que la<br />

musique dite « <strong>de</strong>scriptive» marque, à ce titre, un recul<br />

considérable. Le « symbolisme» d'un Paul Dukas est moins<br />

direct, moins profond que celui, involontaire, d'un Bach ou<br />

d'un Mozart. En se voulant impressionniste - ce qu'elle était<br />

par définition - la musique a dti renoncer à sa fonction primitive<br />

pour imiter la nature, et perdre une partie <strong>de</strong> sa force<br />

symbolique, <strong>de</strong> son pouvoir <strong>de</strong> suggestion. Alors que la musique<br />

évoluait à rebours, la poésie s'est, elle, « irréalisée )).<br />

Au lieu d'imiter le réel, elle l'a rendu présent en <strong>de</strong>s symboles<br />

(2) Paul RICŒUR, Le Symbole donne à penser, in Esprit, juilletaoût<br />

1959, p. 62.

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