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DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

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404 JULIEN BALLIU<br />

On pourrait renvoyer Domenach au <strong>de</strong>rnier livre <strong>de</strong> Marcuse,<br />

One-Dimensional Man, qui décrit cette tendance qu'ont<br />

tous les concepts critiques à <strong>de</strong>venir à la mo<strong>de</strong>, et <strong>de</strong> perdre<br />

par là même leur pouvoir critique. Outre que ceci est dû au<br />

développement <strong>de</strong> la société <strong>de</strong> consommation, on peut même<br />

se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si la présence dans une société quelconque d'un<br />

certain nombre d'aliénations n'implique pas déjà la difficulté<br />

à les saisir par <strong>de</strong>s concepts. Comment une société pourraitelle<br />

être aliénée et disposer en même temps d'un concept d'aliénation<br />

exactement défini et dont la portée ne prêterait pas à<br />

équivoqueP Si donc une société entreprend <strong>de</strong> circonscrire ses<br />

aliénations, il faudra bien que ce soit avec <strong>de</strong>s concepts qui<br />

participent à cette aliénation même.<br />

Mais Domenach ne critique pas seulement le concept<br />

d'aliénation à partir <strong>de</strong> son rôle historique dans la société<br />

mo<strong>de</strong>rne, il met aussi en question son fon<strong>de</strong>ment ontologique.<br />

L'aliénation renvoie, dit-il, à « une essence humaine présumée<br />

sans tache, ... à une perfection perdue». Et comment donc<br />

élaborer une théorie <strong>de</strong> l'essence humaineP « Aucune science<br />

<strong>de</strong> l'homme, dit-il, ne révélera 'jamais ce que doit être<br />

l 'homme, ni même ce qu'il peut être e) . A la limite, le<br />

concept serait donc intenable pour autant qu'il serait logiquement<br />

impossible d'élaborer le modèle ontologique qui <strong>de</strong>vrait<br />

le fon<strong>de</strong>r.<br />

Henri Lefebvre a entrepris <strong>de</strong> répondre à Domenach par<br />

une définition <strong>de</strong> l'aliénation et par une <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s<br />

diverses aliénations <strong>de</strong> notre temps. Pourtant, il ne semble pas<br />

que Lefebvre puisse répondre à l'argument essentiel <strong>de</strong> Domenach.<br />

Il ne faut pas, dit-il, définir l'aliénation en termes purement<br />

philosophiques, par une « essence» humaine perdue (3) ,<br />

il faut y voir la non-appropriation d'une capacité pratique,<br />

d'une possibilité réelle (4). L'homme aliéné, c'est celui qui ne<br />

s'est pas approprié une capacité dont il dispose, ou une capacité<br />

dont il ne dispose pas actuellement, mais qui constitue un<br />

<strong>de</strong> ses possibles réels. Or, comment Lefebvre entreprendra-t-il<br />

d'établir ce qu'est l'appropriation d'une capacité, ou ce<br />

qu'est une possibilité réelle <strong>de</strong> l'homme, sans disposer d'une<br />

(2) Réponse à Lefebvre. Esprit, mai 1966, p. 999.<br />

e) Esprit, mai 1966, p. 983.<br />

(4) Esprit, mai 1966, p. 989.

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