DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

LE PROBLÈME DE LA COMMANDE DE L'ENTREPRISE 351
opérationnelle prend naissance par l'incapacité des spécialistes
à trouver, dans leurs formulaires, la profondeur à laquelle il
convient de faire exploser une grenade sous-marine destinée à
des sous-marins ennemis capables de plonger aussitôt l'alerte
donnée. Sur le plan humain, dès que légalement et culturellement
il n'est plus possible d'utiliser l'homme comme un outil,
un instrument passif, se développe une sociologie et une psychologie
industrielles réclamant à leur tour des développements
plus généraux en matière de connaissance scientifique des
groupes et des individus, c'est-à-dire en sociologie et en psychologie
générales [19].
L'un des premiers empiristes en la matière - à ses débuts
tout au moins - semble être Taylor, en tant qu'organisateur
des relations de commandement à l'échelon de l'atelier. Peutêtre
sa pensée pourrait-elle être considérée comme normative
puisqu'il prescrit, recommande, conseille la multiplicité des
actions d'influence sur l'ouvrier. Taylor a sans doute catégorisé,
systématisé peut-être ces influences, ces facteurs et s'est fait
normatif en les considérant comme « normaux» et donc
comme recommandables. Mais nous pensons que le modèle de
commandement qu'il prescrit lui a été suggéré par l'observation
de la réalité de l'atelier où, quel que fût le mode d'organisation
du pouvoir juridique existant, l'ouvrier était soumis, en
réalité, à un faisceau de recommandations, de pressions,
d'ordres, de consignes et de contraintes multiples.
Ces dernières années, un autre courant semble influencer
le monde de l'entreprise : il consiste à « laisser pousser la plante
toute seule», et à faire confiance aux capacités auto-organisatrices
des groupes (*).
Cette formalisation éventuelle de l'informel, si elle peut
conduire dans certains cas à un système de gouvernement stable
de l'entreprise, ne constitue pas pour autant une capitulation
devant des manœuvres subversives. Car si la base exécutante
prenait d'aventure les commandes de l'entreprise, il y a grand-
(*) En termes lewiniens [9] : à admettre qu'une certaine « anarchie»
complète l'organisation formelle (ce qui, d'après les théoriciens
politiques prônant ce mode de gouvernement, pourrait créer une situation
qui ne serait pas toujours si incontrÔlée que ne le pensent les
tenants des autres modes de gouvernement, de polarité plus ou moins
autocratique) .