DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

308 E. NOULET
dont les laboratoires et les instruments de mesure ont déjà
des possibilités de graphie, de poids et de fréquence qui dissocieraient
ce qui, par la nature et par nature, paraissait indissolublement
lié. Là, dans les laboratoires modernes, l'inextricable
peut devenir le discernable et qui sait, un jour, le
calculable.
Mais lui, Valéry, n'a pas de laboratoire à sa disposition, et,
en dépit de la curiosité qui l'appelle à les fréquenter, à lire du
moins les livres qui en consignent les résultats, il continue, fort
de sa rigueur, à analyser le phénomène conjoint du sentir et
du penser, avec les moyens du bord, soit sa propre pensée et
sa propre expérience, s'en remettant, pour le guider, à son
principe directeur:
Lorsque nous pensons, formons un jugement, nous mettons en
cause, sans le savoir, plus de choses que nous n'en pensons à ce
moment, c'est-à-dire les conséquences logiques et quelques autres.
Nous faisons (en quelque sorte) plus que nous ne croyons faire. Ou
plutôt pendant que nous faisons, ès qualités, telle relation, il se
fait autre chose.
Il en est de même de nos moindres actes et sans doute, même nos
sensations s'accompagnent de modifications insensibles en nous.
Exemple simple : si j'écoute longtemps, une fatigue se forme dans
l'organe. Ou bien : il se fait en moi ce qu'il faut pour que le souvenir
de la mélodie devienne.
(A ce sujet, la relation de la mémoire avec la durée et l'intensité du
fait initial, avec les répétitions est à étudier de près. Les probabilités
du retour, etc. (p. 542)
écartant par là même les faux problèmes :
Je n'aurais jamais inventé de discuter de la réalité du monde sensible.
Car je n'eusse non plus inventé de donner au mot réalité
autre sens qu'un sens fini et observable, qui ne donnât lieu à aucune
hypostase. J'aurais cherché, par exemple, à différencier minutieusement
le r.p et le 4. (p. 543)
En attendant et en fait, si la disjonction devient possible et
souhaitable quant à la connaissance de la connaissance, c'est
leur convergence, leur mystérieuse et admirable convergence
qui fait la supériorité, qui fait la puissance (et je sais bien
que ce que je dis ici est peu valéryen), qui fait, non formulée,
mais instinctivement cherchée et trouvée, la profonde et permanente
joie de penser.
Ahl non, il n'est pas tendre pour la littérature en général,
ni pour les romanciers en particulier, ni pour les sincères