DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

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et non le prisonnier confortable de nos petites habitudes journalières.
L'époque que nous vivons est difficile à saisir pour celui
qui voudrait en faire la synthèse dans le domaine des arts
plastiques. Aucun siècle, sans doute, n'a connu un tel foisonnement
de tendances, d'écoles et de recherches, d'actions, de
réactions et d'oppositions farouches. Au règne du fauvisme et
de la couleur de 1905 succède, trois ans plus tard, celui de la
forme et de l'intelligence avec le cubisme de Braque et Picasso.
Dès les premières années du siècle, et jusqu'à nos jours, on
assiste à cette alternance toujours plus précipitée de ce que
Michel Seuphor appelle le cri et le style. L'historien lui-même
éprouve quelque peine à discerner le partage des eaux. Mil neuf
cent dix voit aussi la disparition du sujet, suite logique de la
phrase célèbre de Maurice Denis qui annonce et explique l'un
des courants majeurs de l'art d'aujourd'hui: « Se rappeler
qu'un tableau - avant d'être un cheval de bataille, une femme
nue ou une quelconque anecdote - est essentiellement une
surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre
assemblées. ))
Cette phrase est à l'opposé de l'œuvre de Magritte chez qui
le tableau, avant d'être une surface colorée, est essentiellement
un cheval de bataille. Un cheval de bataille lancé à l'assaut
des conventions de notre univers rationnel. On sait que c'est
en 1924 que, officiellement, le surréalisme ouvrait la porte aux
données immédiates de l'inconscient et, selon les termes mêmes
d'André Breton, à l' « automatisme psychique pur par lequel
on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit,
soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée.
Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par
la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique Oi.l
morale)). Comme tout mouvement artistique il ne jaillissait pa:;
ex nihilo, son avènement avait trouvé, chez Chirico comme
dans le dadaïsme, des signes avant-coureurs.
La rencontre de Magritte et de Chirico se fit en 1922 par
l'entremise de Marcel Lecomte, et Magritte confesse qu'il ne
put retenir ses larmes devant la photographie de l'œuvre du
maître italien intitulée Le chant d'Amour. Marcel Lecomte,
autre ami, lui aussi trop tôt disparu ... Magritte avait le don de
l'amitié et il fut le centre de gravité, dans notre pays, d'un