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DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

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316 E. NOULET<br />

rage <strong>de</strong>s obscurités, tend, dis-je, au simple et au naïf, ou,<br />

comme il le dit quelquefois lui-même, au fini. L'extrême intelligence<br />

tend à l'innocence.<br />

Telle est l'année 1934. Au terme <strong>de</strong> son recensement, comment<br />

s'empêcher <strong>de</strong> songer aux omissions dont on a été coupable.<br />

Ai-je parlé, par exemple, <strong>de</strong> la musique ou <strong>de</strong> l'attention<br />

qui prennent une si gran<strong>de</strong> place dans cette seule annéeP Ai-je<br />

parlé assez <strong>de</strong> l'instant, <strong>de</strong> la relativité? N'ai-je pas trop parlé<br />

d'abstraction et <strong>de</strong> généralisation, <strong>de</strong>ux opérations <strong>de</strong> l'esprit<br />

que Valéry a souvent raillées? N'ai-je pas négligé <strong>de</strong> mentionner<br />

la constante algébrisation <strong>de</strong>s phénomènes mentaux et les nombreuses<br />

allusions scientifiques (mathématiques, physiques,<br />

voire médicale)? N'ai-je pas préféré les citations qui étaient ou<br />

faciles, ou courtes, ou pittoresques ou pour l'habileté à faire<br />

rendre au mot tout à coup un sens inattendu? Bref, moi aussi,<br />

ai-je trahi?<br />

Cependant, on <strong>de</strong>vine ce que j'ai voulu faire : montrer les<br />

tendances fondamentales <strong>de</strong> celui qui a choisi d'être un esprit,<br />

l'allure désintéressée <strong>de</strong> ses démarches sans rien <strong>de</strong>voir ni à la<br />

biographie ni à la circonstance, les dimensions <strong>de</strong> l'exploration<br />

mentale où se pourrait défaire l'intime jonction <strong>de</strong> la perception<br />

et <strong>de</strong> la pensée. Mon propos fut <strong>de</strong> constatation. Non pas<br />

étudier ni classer ni ordonner les idées <strong>de</strong> Valéry, mais constater<br />

que telle idée lui est venue, mais <strong>de</strong> repérer la sorte<br />

d'esprit qui produit ces idées. En somme, restituer, à travers<br />

une diversité inouïe d'abord visible, d'abord éblouissante,<br />

l'unité cachée et cependant motrice et bientôt illuminante qui<br />

comman<strong>de</strong>, pèle-mèle, analyses, jugements, élaborations, inspirations.<br />

Au vrai, Valéry est celui qui n'a pris plaisir qu'à<br />

un seul sujet (ce qui implique au long <strong>de</strong>s années une sorte <strong>de</strong><br />

sainteté), sujet qui est l'augmentation <strong>de</strong> conscience par l'approfondissement<br />

<strong>de</strong>s rapports à peine décelés <strong>de</strong> mieux en<br />

mieux perçus et séparés, entre la pensée et la sensation. Sujet<br />

<strong>de</strong>ux fois protégé, par une sorte d'hermétisme d'abord <strong>de</strong> son<br />

écriture poétique, par la non-publication, <strong>de</strong> son vivant, <strong>de</strong><br />

ses Cahiers ensuite.<br />

Aujourd'hui, il nous est donné <strong>de</strong> les lire. Document<br />

incomparable, valable tant par la qualité que par la quantité<br />

<strong>de</strong> ses pièces. Son authenticité n'est pas discutable parce que,

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