DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

48 MARCEL SIMON
nom de la tradition, de la culture et de la bienséance, le défenseur
de la religion ancestrale, ce n'est pas sans l'avoir considérablement
épurée, dans la ligne d'un rationalisme d'ailleurs
assez peu sûr de lui. Et l'on a mainte fois souligné qu'il y a
entre Celse et Origène, par-delà leur antagonisme, plus d'une
affinité de position et d'esprit dans la critique qu'ils font de!!
croyances païennes.
Au reste, ni les critiques d'un Celse, ni à plus forte raison
l'ironie « voltairienne» et le scepticisme total, au moins en
apparence, d'un Lucien de Samosate ne sont parfaitement
représentatifs de la pensée païenne du Ile siècle. Tous deux sont,
avec des nuances, des « esprits forts ». Mais déjà le semirationalisme
de Celse se combine, tant bien que mal, avec une
philosophie d'inspiration platonicienne pour l'essentiel. Elle
lui dicte parfois des accents d'une piété sincère, dont s'étonne
Origène, par exemple lorsqu'il écrit : « Il ne faut jamais se
détacher de Dieu, ni le jour, ni la nuit, ni en public, ni dans
le privé, dans aucune de nos paroles et dans aucun de nos
actes ... L'âme doit être constamment orientée vers Dieu ...
Quant à ceux qui espèrent que leur âme ou que leur esprit
jouira avec Dieu de la vie éternelle, c'est à eux que je m'adresse.
Ils voient juste en estimant qu'à mener une vie bonne au point
de vue moral on obtiendra la félicité, tandis que les pervers
subiront la torture d'éternels châtiments. De cette croyance,
ni eux, ni qui que ce soit ne doi ven t jamais s'écarter (11) . »
Sans doute, cette déclaration est faite à l'occasion d'une critique
de la croyance chrétienne en la résurrection des corps,
interprétée d'ailleurs dans son sens le plus matérialiste. Elle
n'en a pas moins frappé Origène, qui y salue « quelques rayons
de vérité». Elle montre qu'entre les deux hommes les affinités
ne sont pas seulement dans la critique qu'ils font du paganisme,
mais ont parfois un caractère beaucoup plus positif.
Il y avait cependant, autour de Celse, nombre de païens
plus foncièrement religieux que lui. Mieux préparés, à certains
égards, à aborder la lutte avec le christianisme, parce qu'ils lui
opposaient non pas simplement une critique négative et tout
intellectuelle, mais la chaleur d'une foi positive, ils étaient
aussi de ce fait même plus sensibles à l'attrait de la prédication
(11) Contre Celse, 8, 63 et 49; DE LABRIOLLE, op. cit., pp. 132-133.
•
"