13.07.2013 Views

DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

PROSE POUR DES ESSEINTES 133<br />

s'éclaire dès qu'on la confronte avec le Paradis. C'est par le<br />

regard <strong>de</strong> Béatrice que Dante pénètre les mystères du mon<strong>de</strong><br />

divin :<br />

« Béatrice se tenait, toute fixée par les yeux, aux roues éternelles;<br />

et moi je fixai sur elle mes regard détournés <strong>de</strong> là-haut. »<br />

(Chant 1.)<br />

« Béatrice regardait en haut, et moi je regardais en elle ... »<br />

(Chant II.)<br />

C'est une <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s beautés du Paradis que ce regard<br />

sans cesse détourné du poète, toujours ramené sur lui, parfois<br />

pour l'inviter à une vision directe:<br />

« ... je vis Béatrice, touTnée sur le flanc gauche, regar<strong>de</strong>r le<br />

soleil... Et comme un second rayon sort du premier et remonte làhaut...<br />

ainsi l'action <strong>de</strong> Béatrice, pénétrant par mes yeux dans ma<br />

pensée, fit naître mon action; et, contre notre usage et notre puissance,<br />

je fixai mes yeux sur le soleil. » (Chant 1.)<br />

« Après que mes yeux se furent portés avec respect sur ma<br />

Dame, et qu'elle les eut rendus, par sa vue, contents et assurés,<br />

je les tournai vers la lumière ... )) (Chant VIII.)<br />

« Tourne-toi et écoute : car ce n'est pas seulement dans mes<br />

yeux qu'est le Paradis. » (Chant XVIII.)<br />

La compagne <strong>de</strong> Prose, fixant son regard sur le poète avant<br />

d'atteindre l'extase, l'arrête dans son voyage vers le mystère<br />

absolu. Avant <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r son nom à la « Dame» <strong>de</strong> Mallarmé,<br />

soulignons encore, parmi <strong>de</strong> nombreuses similitu<strong>de</strong>s, les plus<br />

éclairantes. Dante regrette plusieurs fois que sa « mémoire »<br />

cè<strong>de</strong> à l'excès <strong>de</strong> sa « vision» (Chants l, XXIII, XXXIII); au<br />

Chant XVII, il fait dire à Béatrice: « ••• éloigne tout mensonge,<br />

manifeste ta vision tout entière, et laisse les mala<strong>de</strong>s se gratter<br />

où ils ont la rogne », traduction énergique <strong>de</strong>s strophes XI et<br />

XII <strong>de</strong> Prose. Lorsque Mallarmé insiste<br />

Oui, dans une île que l'air charge<br />

De vue et non <strong>de</strong> visions,<br />

peut-être songe-t-il, aussi, à la Divine Comédie où le mot<br />

« vision» est extrêmement fréquent. Il s'avance, en poète, dans<br />

le mon<strong>de</strong> spirituel humain, non dans le mon<strong>de</strong> divin qui n'est<br />

réel que pour le croyant. La strophe VIII, où Mallarmé s'exalte<br />

<strong>de</strong> voir les fleurs<br />

Surgir à ce nouveau <strong>de</strong>voir<br />

pourrait soutenir cette supposition. Le poète chrétien a chanté

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!