DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

18 DISCOURS DE M. LE RECTEUR MARCEL HOMÈS
l'avoir en partie fait ou vécu, eux pour l'avoir reçu comme
nous avons reçu, jadis, un autre contexte.
Comment ne pas croire, puisque entre-temps nous avons
acquis une expérience, comment ne pas croire que c'est nous
qui avons raison? Peut-être - je n'en sais rien - peut-être,
sommes-nous plus sages : mais à quoi cela nous sert-il pour
les comprendre si nous ne voulons pas admettre qu'inévitablement,
nous devons percevoir et agir différemment? Faisons
donc provisoirement abstraction de l'idée, si normale, que
nous pouvons les guider.
Et cependant, cela vaut que nous nous interrogions. Sans
doute - notre vie, derrière nous, est là pour nous en convaincre-sans
doute avons-nous appris tout au long du temps,
sans doute avons-nous été guidés, mais par les événements
plus que par les hommes. Ne confondons pas le guide que nous
pouvons effectivement être (et pour bien peu de temps pour
chaque étudiant) dans l'étroit domaine de compétence qui est
le nôtre, ne confondons pas ce guide avec celui que nous pourrions
prétendre être devant tous les problèmes du moment et
qui, lui, est contesté. En fait, la meilleure façon de guider est
celle que nous pratiquons sans le savoir, par nos actes, par
l'expression de notre pensée qui ne peut, à aucun moment,
être contraignante ni même être un conseil. Nos actes, l'expression
de nos pensées sont des faits et comme tels, ils marquent
ceux qui les perçoivent et sont déjà pour eux les premiers éléments
de tout ce qui, pour eux aussi, se superposera aux premières
images, les corrigera - ce qui ne veut pas dire les améliorera
-, les modifiera progressivement comme, pour tous les
hommes, les premières images ont laissé des souvenirs altérés.
En fait, la différence est très simple. La perception des
jeunes est tout naturellement plus directe, on pourrait presque
dire plus physique. Celle des hOlnmes mûrs est inséparable de
certaines comparaisons, de réflexions. Elle est moins directe,
elle est moins pure. Au moment même où nous percevons
des événements identiques, nous les percevons à travers le
filtre, l'écran de tout ce qui est resté de nos perceptions antérieures.
Même si nous croyons les ressentir comme les jeunes,
même si nous croyons être si près d'eux par la pensée, en bien
des cas, nous différons en fait très fortement. Nous nous formons
une opinion qui résulte autant de l'impact actuel que