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DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

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390 CH. PERELMAN<br />

lui permettront d'acquérir l'intime conviction que les faits<br />

allégués se sont effectivement produits, ce qui est essentiellement<br />

un problème <strong>de</strong> preuve.<br />

Nous constatons, à ce propos, qu'il y a une différence technique<br />

entre le droit et une science théorique. Quand il s'agit<br />

<strong>de</strong> science, en histoire par exemple, toute assertion doit être<br />

prouvée, l'affirmation comme la négation d'un fait non établi<br />

étant placées sur un pied d'égalité. Il n'en est pas <strong>de</strong> même en<br />

droit où les présomptions interviennent constamment pour<br />

favoriser celui à qui elles profitent. Dans notre droit, tout<br />

homme étant présumé innocent jusqu'à preuve du contraire,<br />

il n'a pas à prouver son innocence. C'est à l'accusateur, et en<br />

général à celui qui veut modifier un état <strong>de</strong> choses existant,<br />

qu'incombe la charge <strong>de</strong> la preuve.<br />

Par ailleurs, les preuves en droit peuvent différer <strong>de</strong>s<br />

preuves scientifiques, que l'on accepterait <strong>de</strong> la part d'un historien,<br />

par exemple.<br />

Il y a <strong>de</strong>s preuves que le juge ne peut admettre, telle celle<br />

<strong>de</strong>s faits prescrits par la loi et <strong>de</strong> ceux relatifs au contenu d'une<br />

diffamation. Dans un grand nombre <strong>de</strong> cas, la preuve est réglementée,<br />

certains genres <strong>de</strong> preuve étant considérés comme<br />

inadmissibles : en effet, la stabilité <strong>de</strong> l'ordre social peut être,<br />

dans certains cas, considérée comme plus importante que<br />

l'établissement <strong>de</strong> la vérité.<br />

Il y a <strong>de</strong>s cas où ce qui importe le plus au juge, c'est que sa<br />

sentence soit juste, même si ceci ne peut se réaliser qu'au prix<br />

d'une affirmation contraire à la vérité. Lors d'un procès<br />

retentissant, où une mère était accusée d'avoir, avec la complicité<br />

<strong>de</strong> son mé<strong>de</strong>cin, tué son nouveau-né monstrueux, le jury<br />

connaissant les faits, qui étaient incontestables, a néanmoins<br />

refusé <strong>de</strong> qualifier comme meurtre l'homici<strong>de</strong> en question,<br />

alors qu'il y avait certainement préméditation, et qu'on aurait<br />

pu même dire qu'il s'agissait d'un assassinat. Faut-il dire que<br />

le jury s'est trompé ou qu'il a voulu induire la justice en<br />

erreur P Certainement pas. Il a qualifié les faits <strong>de</strong> façon que<br />

l'acquittement s'ensuive, ayant surtout pitié <strong>de</strong> la mère qui<br />

a vécu cette affreuse tragédie. Il a eu recours à la fiction, pour<br />

obtenir l'acquittement <strong>de</strong> la mère, en niant sciemment l'existence<br />

<strong>de</strong>s conditions qui auraient dû entraîner l'application <strong>de</strong><br />

la sanction prévue par la loi. C'est ainsi que les tribunaux

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