DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

L'ALIÉNATION ET LES AVATARS DE L'ONTOLOGIE 413
fais de mes mains, mais qui m'échappe non seulement lorsque
je l'ai fini, mais avant même que je l'aie entamé',( 5 ) p»,
Sartre peut comme lui répondre par la négative. Il écrit précisément
que je ne suis pas ce travail, que les structures
pratico-inertes qui régissent le travail constituent l'inhumain,
dans lequel l 'homme au travail se perd toujours. Est-ce à dire
que Fhomme n'est rien d'autre que ces forces inhumaines qui
le traversent, et que donc en tant qu'homme il n'existe pasP
Peut-être, mais il faudrait le prouver. Et on ne voit pas en
quoi l'affirmation qu'il y a des structures qui régissent
l'humain puisse faire conclure que l'humain n'existe pas.
En même temps, il est clair que l'homme au travail n'a
pas dans la dialectique sartrienne une fort bonne connaissance
de ce qui se passe. Tant qu'il reste isolé, le travailleur n'a
aucune vue d'ensemble sur les conditions qui déterminent
aussi bien les motifs que les résultats de son travail. Il se
trouve donc dans la même situation que le penseur qui selon
Foucault ne connaît pas le système du savoir dans lequel il se
meut. Pourtant le structuralisme se présente précisément
comme la pensée de ce système, tout comme la dialectique
sartrienne se donne comme la connaissance des structures du
travail. Et c'est ici que se pose la question de la rationalité.
Dans le livre de Foucault tout se passe comme si le structuralisme
ne voulait pas aller au-delà d'une certaine limite dans
la connaissance des structures. Au lieu de nous en donner une
connaissance intégrale, ou du moins une méthode pour y
arriver, il insiste au contraire sur leur caractère insaisissable.
A partir d'un certain niveau, les structures deviennent ce qui
échappe à l'homme, le non-pensé, qu'il s'agit de penser en
tant que non-pensé, l'ineffable.
Sans doute tout le monde a été frappé par le fait que le
livre de Foucault, en nous décrivant trois structures qui se
sont succédé dans l 'histoire de la pensée, ne réponde pas à la
question du fondement de cette succession. Quand on se
demande comment nous passons du préclassique au classique,
ou du classique au post-classique, ce que Foucault fait de
temps en temps lui-même, son refus d'y répondre constitue
en même temps une thèse. Il s'agit chaque fois d'évoquer la
(15) M.C., p. 335.