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DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

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392 CH. PERELMAN<br />

leur interprétation ne donne guère lieu à contestation sauf<br />

dans <strong>de</strong>s cas exceptionnels. Mais bien souvent les textes légaux<br />

contiennent <strong>de</strong>s expressions dont le caractère vague et imprécis<br />

ne fait <strong>de</strong> doute pour personne, telles que « ordre public»,<br />

« équité», « faute», « état d'ivresse». Chaque fois qu'il <strong>de</strong>vra<br />

appliquer pareille loi à un cas particulier, le juge <strong>de</strong>vra dire<br />

si les faits sont, oui ou non, conformes à l'ordre public ou à<br />

l'équité, constituent une faute, permettent d'affirmer que<br />

l'inculpé était en état d'ivresse. Plus les termes <strong>de</strong> la loi<br />

sont vagues et imprécis, plus le pouvoir d'interprétation laissé<br />

au juge est grand. Si le législateur, au contraire, veut restreindre<br />

ce pouvoir, il précisera les termes <strong>de</strong> la loi, en remplaçant<br />

par exemple l'expression vague d' « état d'ivresse», par<br />

une indication plus précise, <strong>de</strong> préférence quantitative, telle<br />

que le taux d'alcool que l'on peut déceler dans le sang, et ceci<br />

à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> tests techniques qui, à moins d'être contestés, ne<br />

laissent guère au juge <strong>de</strong> pouvoir d'appréciation quant à la<br />

qualification <strong>de</strong>s faits.<br />

Notons, à ce propos, que l'usage, en droit, <strong>de</strong> notions<br />

vagues n'est pas nécessairement un défaut. La méthodologie<br />

<strong>de</strong>s sciences nous a appris à accor<strong>de</strong>r un grand prix à la clarté<br />

et à la précision. Et ce sont effectivement <strong>de</strong>s qualités indispensables<br />

au langage scientifique, mais qui peuvent présenter <strong>de</strong>s<br />

inconvénients quand il s'agit <strong>de</strong> prescriptions légales.<br />

Un exemple typique nous est fourni par la notion<br />

d'urgence telle qu'elle apparaît dans l'article 22 <strong>de</strong> la loi du<br />

15 mai 1846 (2). Cette loi dispose que « tous les marchés au nom<br />

<strong>de</strong> l'Etat sont faits avec concurrence, publicité et forfait», mais<br />

son article 22 prévoit « qu'il peut être traité <strong>de</strong> gré à gr,é » dans<br />

neuf hypothèses et, notamment « pour les fournitures, transports<br />

et travaux qui, dans les cas d'urgence évi<strong>de</strong>nte, amenés<br />

par <strong>de</strong>s circonstances imprévues, ne peuvent subir les délais<br />

<strong>de</strong>s adjudications». L'administration ayant passé un certain<br />

contrat, en violant les règles <strong>de</strong> l'adjudication publique, <strong>de</strong>s<br />

concurrents évincés ont introduit un recours <strong>de</strong>vant le Conseil<br />

d'Etat. L'administration se défendit en prétendant qu'elle<br />

(2) Cf. l'exposé <strong>de</strong> G. BoLAND, La notion d'urgence dans la jurispru<strong>de</strong>nce<br />

du Conseil d'Etat <strong>de</strong> Belgique, dans Le fait et le droit, <strong>Bruxelles</strong>,<br />

Bruylant, 1961, pp. 175-186.

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