DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

CHRISTIANISME ANTIQUE ET PENSÉE PAÏENNE 49
chrétienne, et plus exposés au risque d'une conversion car,
de toute évidence, entre les deux types de religion la lutte
n'était pas égale.
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Il ne faut pas, en effet, lorsqu'on examine le conflit paganisme-christianisme,
envisager de façon exclusive les formes les
plus philosophiques de la pensée païenne. Qu'il s'agisse de platonisme,
de stoïcisme, de cynisme, de néo-pythagorisme, plus
tard de néo-platonisme ou - ce qui, au début de notre ère
représentait le type de pensée le plus courant - d'un amalgame
plus ou moins heureux de diverses traditions, elles sont
le fait d'une minorité. La masse des fidèles croyants et pratiquants
ne possédait des doctrines philosophiques qu'une con.
naissance très superficielle, ou ne les connaissait pas du tout.
Les critiques hautaines de l'intellectuel qu'est Celse atteignent,
je l'ai noté déjà, en même temps que le judaïsme et le christianisme,
certaines formes de la religiosité païenne, et parmi les
plus vivantes. Le mépris qu'il affiche pour le vulgaire et pour
tout ce qui vient de l'Orient rejaillit sur l'immense majorité
de ses coreligionnaires et en particulier sur tous ceux qui, à
quelque degré, acceptaient les croyances et les rites orientaux.
L'opposition des intellectuels et des simples n'est pas, comme
le proclament, avec des intentions très diverses, Celse et Tertullien,
celle du paganisme et du christianisme. Elle est, à
l'intérieur de chacune des deux religions, entre la masse des
fidèles, assez peu préoccupés de formulations doctrinales précises,
et les théologiens qui essaient de penser leur religion en
même temps qu'ils la vivent.
Si ceux-ci mêmes nous apparaissent parfois assez proches
les uns des autres, à plus forte raison ceux qui ne sont pas
dogmaticiens de tempérament ou de profession et ne donnent
pas à leur credo de contours très précis et très tranchés. Surtout,
dans ce syncrétisme, dans cette interpénétration des rites
et des croyances les plus divers qui est la caractéristique
majeure du paganisme finissant, ce sont, il ne faut pas
l'oublier, les éléments orientaux qui l'emportent, plus proches
du christianisme, à tous égards, que les formes spécifiquement
gréco-romaines de la religion, et que les écoles philosophiques
traditionnelles. Le vrai conflit est là, beaucoup plus qu'entre